Du Ionesco en famille? C'est le pari de PPS Danse, qui propose ce week-end une adaptation familiale des Chaises signée Lise Vaillancourt. Une pièce chorégraphiée par Pierre-Paul Savoie et au centre de laquelle on retrouve les personnages du Vieux et de la Vieille.

C'est en relisant la pièce d'Eugène Ionesco dans le cadre d'un projet à l'École nationale de théâtre que la dramaturge Lise Vaillancourt (Tout est encore possible) s'est rendu compte à quel point les indications scéniques des Chaises étaient précises.

«Tous les gestes et les mouvements des vieux y sont décrits précisément, explique-t-elle. Au point qu'on a l'impression de lire des indications chorégraphiques. Je me suis dit: ce serait intéressant pour un chorégraphe de travailler sur cette pièce...»

Puis, en élaguant ce texte pour le livrer à des danseurs, Lise Vaillancourt a eu la conviction qu'il serait accessible pour un jeune public. «Ionesco avait un désir profond de redonner le pouvoir de l'imaginaire sur scène. Je trouve que c'est très parlant pour des jeunes.»

Les chaises met en scène un couple de nonagénaires reclus dans une île. Malgré leur âge vénérable, le Vieux et la Vieille, qui seront interprétés par les danseurs Heather Mah et Sylvain Lafortune, ont toute leur tête, mais ils s'ennuient. Et ils sont seuls.

Le vieil homme prétend détenir un message universel qu'il veut partager avec tout le reste de l'humanité. D'où l'idée d'inviter diverses personnalités (dont un empereur et même des journalistes...) pour partager ce message.

Sauf que ces invités n'existent pas. Et la quarantaine de chaises prévues pour cette réception demeurent vides. Seul le personnage de l'Orateur, censé livrer le message du Vieux (qui prétend manquer de talent), apparaîtra à la fin de la pièce.

Pierre-Paul Savoie (Contes pour enfants pas sages, Danse Lhasa danse) aimait l'idée de mettre en scène des personnes âgées. «Ça force les enfants à se projeter dans le temps. Ce que je trouve intéressant, c'est que les vieux font des jeux d'enfants. Comme eux, ils inventent des personnages.»

«Chaque réplique est chorégraphiée, explique Pierre-Paul Savoie. C'est ce qui a été le plus difficile, d'arrimer le texte et les mouvements des danseurs. Même si le texte a parfois préséance.»

Une fin dansée

Le «punch» des Chaises est que l'Orateur est sourd et muet. Comme si le rôle était écrit pour un danseur! Un cadeau pour Pierre-Paul Savoie, qui a confié au danseur David Rancourt le soin de créer un solo pour évoquer cette scène.

«La fin est ouverte, estime Pierre-Paul Savoie. Certains enfants qui ont vu la pièce en cours de création ont cru au retour de l'enfant du couple. Le langage de la danse permet d'exprimer dans cette dernière scène le message universel, qui ne sera jamais nommé.»

La musique est évidemment dominante. Elle a été composée par Benoît Côté, un fidèle collaborateur de Pierre-Paul Savoie. Essentiellement au piano et à la voix. Le compositeur a aussi créé des effets sonores pour marquer l'arrivée des invités chez les vieux.

«En fait, on a voulu inclure les enfants sans exclure les adultes, précise Pierre-Paul Savoie. C'est pour ça que c'est une pièce familiale.» Outre les deux représentations à la Place des Arts, la pièce devrait être reprise l'an prochain à la TOHU.

«L'oeuvre a été créée après la Seconde Guerre, en 1951, rappelle Lise Vaillancourt. À un moment où il n'y avait aucun espoir dans l'humanité. Au fond, dans Les chaises, Ionesco veut sauver le pouvoir de l'imaginaire.»

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Les 14 et 15 décembre à la Cinquième Salle de la Place des Arts (dans le cadre de PdA Junior). À partir de 8 ans.