Avec sa nouvelle création, la chorégraphe Isabelle Van Grimde apprivoise une nouvelle parcelle du territoire qu'elle explore depuis longtemps déjà, celui de la fusion entre corps et musique. Elle parvient ici à une fusion ensorcelante, où le geste dansé devient instrument et la musique masse charnelle. Les gestes est une pièce inspirée. Technologiquement organique et organiquement médusante.

Le public est installé autour de la scène carrée aux pourtours délimités par des spots rasants (lumière signée Bruno Rafie). Déconstruit, l'espace de l'Agora évoque un ailleurs dénué de références spatio-temporelle connues.

À l'intérieur se glissent deux formes féminines sculpturales, deux danseuses, Soula Trougakos et Sophie Breton, qui avec une précision de scalpel interprètent la gestuelle si reconnaissable d'Isabelle Van Grimde, son amplitude des membres, sa découpe géométrique mue par une énergie rapide en même temps que pulsionnelle.

Les rejoignent deux musiciennes, la violoncelliste Elinor Frey et la violoniste Marjolaine Lambert. Se déploie ainsi un quatuor raffiné, qui joue subtilement sur les variations du mystère féminin autant que sur celui de la technologie la plus en pointe.

Car si les musiciennes jouent de leurs instruments millénaires, les danseuses disposent pour leur part d'instruments totalement inédits. Ce sont de très beaux objets lisses, transparents, irradiés de l'intérieur par une lumière bleutée. Sur les corps des danseuses, ils deviennent une colonne vertébrale serpentine, des ailes d'oiseau ou des nageoires d'orque, des cornes de licorne.

Ce sont en fait des bêtes technologiques, créées pour l'occasion par l'Input Devices and Music Interaction Laboratory (IDMIL) de Montréal, pour une composition signée Sean Ferguson et Marlon Schumacher. Les danseuses par le choix de leurs gestes induisent des sons intrigants et variables, dans un véritable corps à corps avec ceux du violon et du violoncelle. S'exaltent ainsi les pouvoirs conjugués de la musique et de la danse.

À les voir, à les écouter, on se sent couler dans une galaxie inexplorée. Ou bien dans la chambre des dames d'une mystérieuse épopée moyenâgeuse. À moins qu'on ne touche à l'immuable de l'humain. Une seule certitude : ici, l'union de la chair et du numérique est parfaitement envoûtante.

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Les gestes, d'Isabelle Van Grimde, jusqu'au 16 mars à l'Agora de la danse.