Avec son spectacle HomoBLABLAtus, présenté à la Cinquième Salle, la compagnie montréalaise La Otra Orilla se surpasse. On aimait déjà sa verve et la façon, dont ses fondateurs, Myriam Allard et Hedi Graja, et leurs collaborateurs expérimentent librement avec la grammaire flamenca. Dans cette nouvelle création, leur maîtrise s'enrichit d'une franche audace.

Mieux intégrés que jamais, chant, ambiance sonore, musique en direct, danse et vidéo forment un spectacle complet, pourvu d'un réel travail dramaturgique. La façon dont Allard et Graja décomposent, échantillonnent et remixent le flamenco se révèle d'une richesse toujours plus étonnante. On aime aussi qu'ils sachent, de fois en fois, conserver leur spécificité, surtout cette esthétique un peu déglinguée qui émane naturellement du corps d'Allard.

Ballottée par la vie

Allard et Graja ont à nouveau choisi de bâtir leur spectacle à partir d'une touche de narration. Au coeur d'HomoBLABLAtus, l'esquisse d'une femme ballottée par la vie, et entre neuf tableaux. Elle commence son périple telle une poupée mécanique, manipulée par Graja, la danseuse Aurélie Brunelle et le musicien Miguel Medina. Mais lorsqu'elle se lance à corps perdu dans une buleria, on comprend qu'elle a aussi du coffre.

À souligner, deux tableaux qui mettent en scène Allard «dialoguant» avec une vidéo du danseur Antonio Arrebola. La conversation téléphonique, en voix off, indique que le couple dérive. Dans le premier tableau, les zapateados (percussions des pieds) traduisent clairement la hargne, alors que le second joue sur une variation passive agressive aux ports de bras doucereux.

Entre les deux, la femme, interprétée par Allard, perd une chaussure. Elle ne la retrouvera qu'après s'être lancée dans un solo tout en déséquilibre, au son de la voix douce-amère de Graja. Le long corps d'Allard s'étire sans fin; rompue au vocabulaire flamenco, elle sait en tirer, avec aplomb, tout un registre d'émotions nuancées.

Unique ambiance sonore

Le clou du spectacle, Le Divan, un tableau digne d'être présenté à la SAT, haut lieu montréalais de l'art numérique. Graja y chante couché et Allard entre en scène en rampant au sol. Puis la batterie de Miguel Medina explose, les images vidéo engloutissent tout le monde et les sons - voix, pas de la danseuse, percussions - se fondent en une unique ambiance sonore parfaitement immersive; on n'a qu'une envie: crier, Olé! Quand duende rencontre haute technologie.

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HomoBLABLAtus de la compagnie La Otra Orilla, du 23 au 26 janvier à la Cinquième Salle de la Place des Arts.