Ce Cabaret Gravel est très réussi. Pas moins de 13 artistes, musiciens, chanteurs, danseurs, comédiens, sur la scène du Lion d'or, font du spectacle une jubilation singulière produite par la richesse des gammes d'émotions, de découvertes, de surprises, de dérisions caustiques, d'impacts sensuels aussi.

Autant d'éléments bien distincts mais subtilement maillés par Frédérick Gravel, pivot névralgique de cet improbable édifice. Parce qu'il ne suffit pas de réunir de bons artistes pour que la courtepointe soit belle. Comme dans toutes les oeuvres du musicien-chorégraphe le résultat reste incertain, forcément, il tient à un fil. Ici ça fonctionne, absolument.

Plus de deux heures magiques en compagnie d'une troupe d'amis qui, d'année en année, jouent dans les spectacles les uns des autres, créent ensemble avec une apparente bonhomie. Fred Gravel et ses amis complices forment une confrérie pas mal rock & roll.

Comme il se doit dans les meilleures revues de cabaret, se succèdent de courtes prestations de deux-trois minutes. Du solo d'ouverture de Caroline Gravel à l'évocation du Jack de Dana Michel, du texte porno émotif de Jérémie Niel au duo fluo érotico souriant d'Anne Thériault et Dany Desjardins, de l'énigmatique présence de Normand Marcy à sa parodie de la famille pré-monoparentale, on retient aussi plusieurs duos mémorables. Celui de Pierre Lapointe et Jamie Wright qui bougent ensemble pendant que joue le violoniste Fred Lambert. Wright rejoignant ensuite Francis Ducharme sur une chanson de Pierre Lapointe, un rêve étrange qui vire à l'empoignade fusionnelle et répulsive comme un tango.

Pierre Lapointe ne cherche pas à se démarquer, mais au contraire apporte sa présence et sa singularité à l'ensemble. Notamment dans un sublime duo chanté avec Fred Gravel qui décrit la prestation comme «une histoire d'amour entre gars comme on n'en voit jamais dans les variétés radio-canadiennes». Ces perles verbales font non seulement le lien, mais le liant entre les prestations. Le liant majeur étant le Gravel band et ses cinq musiciens et chanteurs. Un band qui déménage.

Gravel a beau vouloir jouer la légèreté, affirmer que ce spectacle n'est «que la répétition du prochain», la maîtrise de tous produit son impact.

_______________________________________________________________________

Cabaret Gravel, jusqu'au 4 mai, 20h30, au Lion d'or.