On a beau avoir été prévenus, avoir même entendus les artistes expliquer leur spectacle et la technologie qui l'accompagne, rien ne nous prépare à être à ce point emportés dans l'histoire qui nous est racontée par Michèle Anne de Mey, Jaco Van Dormeal et les huit autres membres de l'équipe de cocréation.

Emportés comme par amour, comme le sont les souvenirs, la vie qui passe, les trains que l'on emprunte ou que l'on attend. Soufflés comme par un coup de vent, les intempéries, les vagues, la brume. Ravis comme les pas des humains sur le sable des plages ou le souvenir de l'autre dans les plis d'un oreiller. Ça tombe bien parce que tout cela est dans le spectacle. C'est une histoire d'amour, ou plutôt une histoire sur les amours, celles de l'héroïne, les nôtres aussi. Au gré de fragments d'un discours amoureux, c'est la dramatique et poétique histoire de l'humanité, écrite et racontée live par Thomas Gunzig.

Mais est-ce un spectacle, ou un film, est-ce un théâtre miniature ou la résurgence d'une mémoire d'enfance, quand de l'ombre de doigts projetés sur un mur surgissaient des animaux fantastiques. C'est tout cela à la fois.

En arrivant on se dit «quel bordel» parce que la scène est envahie par toute une machinerie et des zones de décors au milieu desquels circule une caméra sur rails, mais aussi les rails d'un train miniature. Et puis ça commence et on comprend. Cette installation est destinée à projeter sur l'écran en hauteur, sous l'oeil de cyclope grossissant de la caméra de Jaco Van Dormel et les manoeuvres minutieuses de ses partenaires, les aventures des personnages créés par l'agilité des doigts de Michèle Anne de Mey et de Gregory Grosjean. Des doigts transfigurés qui évoluent au milieu d'objets pas plus gros qu'un ongle et de paysages de carton-pâte plus grands que nature. Ce «bordel» est une organisation technologique de pointe, calibrée au nanomillimètre près, tout comme la mise en scène qui est un mouvement perpétuel, sur la scène comme sur l'écran.

C'est magique, parce que dans la magie «il y a un truc». Et ici, il y a, derrière l'épopée enivrante qui nous est racontée, des centaines de trucs géniaux, et si génialement maîtrisés que la technologie, la complexité, la parfaite orchestration de l'équipe, s'effacent finalement au profit de l'émerveillement. Temps d'images nous fait un beau cadeau. Autour du thème de la mémoire du coeur, Kiss and Cry offre une expérience inoubliable.

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Kiss and Cry de Michèle Anne de Mey et Jaco Van Dormael, à L'Usine C jusqu'au 29 avril, 20h.

Marteen Vanden Abeele