À quelques semaines de l'élection présidentielle française - à l'heure où les journaux télévisés ne cessent de rappeler aux téléspectateurs le décompte des jours pendant que les candidats battent la campagne sur tous les fronts - quelle ne fut pas la surprise du public du Théâtre de la Ville de découvrir le visage 14 fois multiplié de Nicolas Sarkozy. Ces masques sertis de corps athlétiques opinent du chef, tapent du pied et déclenchent l'hilarité.

La chorégraphe Marie Chouinard a trouvé la juste mesure le soir de la première européenne du Nombre d'or. Signe qui ne trompe pas en France, quand les applaudissements convergent vers le même rythme, c'est que le spectacle est placé sous les meilleurs auspices. Après trois rappels chaleureux, la grande prêtresse de la danse au Québec a salué en liesse la «Sainte Trinité» - une révérence pour chaque danseur, une accolade pour le plateau et un bain de foule entre les rangées visiblement saturées du théâtre. Marie Chouinard a toutes les raisons de se réjouir.

Pour la cinquième année, sa compagnie est à l'affiche du Théâtre de la Ville aux côtés des plus grands noms de la scène internationale - Pina Bausch, le DV8 Physical Theatre ou encore Anne Teresa De Keersmaeker - présentés eux aussi chaque saison et dont les billets, arrachés par les abonnés prioritaires, finissent immanquablement par se revendre sur le marché noir dès la sortie du métro.

À l'orée de la place du Châtelet, le temple de la danse contemporaine de 1000 sièges a su fidéliser artistes programmés et public d'abonnés. «J'ai toujours eu un bon accueil», reconnaît la chorégraphe québécoise en visite à Paris le temps des six représentations. «C'est un public exigeant de connaisseurs, le plaisir de les avoir ravis n'en est que plus grand!»

Quelques ajustements

Au prix, cette saison, de quelques ajustements... La configuration du Théâtre de la Ville ne permettait pas de modifier le dispositif scénique en installant des spectateurs sur le plateau, comme cela était prévu dans la création originale du ballet en 2010.

«Pourtant, on a travaillé fort afin d'obtenir la permission du théâtre avant de s'y produire, confie la chorégraphe. Mais il a quand même fallu se plier au règlement de sécurité prévu en cas d'incendie et adapter les déplacements des danseurs.»

Idem pour la passerelle érigée du plateau au premier tiers de la salle, confrontée à une spécificité toute locale: «Je n'ai jamais vu de théâtre aussi pentu, fait-elle remarquer. Au cours des répétitions à Montréal qui ont précédé notre venue, j'ai anticipé en faisant construire une rampe avec le même d'angle d'inclinaison, pour que les danseurs s'habituent».

Avant de s'envoler pour Genève et Stockholm, fin janvier, la compagnie présentera à la Maison de la musique de Nanterre le Prélude à l'après-midi d'un faune, d'après le «tableau chorégraphique» conçu par Nijinski en 1912, suivi du Sacre du printemps, créé par le même Nijinski un an plus tard.

D'ici là, Marie Chouinard aura déjà vogué vers de nouveaux horizons monégasques. Les Ballets de Monte-Carlo reprennent Body Remix/Les Variations Goldberg, à la mi-avril. Reste à désigner les danseurs et «enseigner le style Chouinard». «Je travaille aussi à une installation vidéo, un film à 360°, un solo, un livre de photos...» La crise, quelle crise?