Trois gars en caleçons, bottes de cow-boys, casquette de trucker et lunettes fumées, une bière à la main. Non, nous ne sommes pas dans un parc à roulottes, au fin fond des États-Unis. Bienvenue plutôt dans l'univers de la nouvelle création de Frédérick Gravel, Tout se pète la gueule, chérie, présentée à la Cinquième salle de la Place des Arts, dans le cadre du FTA. La question qu'on y explore: que sont les vrais hommes devenus?

La journaliste entre dans le studio de répétition de la rue Sherbrooke. Il fait chaud, les gars répètent depuis un bon moment: ça sent le mâle... Dave St-Pierre, Frédérick Gravel et Nicolas Cantin dansent certaines sections de Tout se pète la gueule, chérie. La gestuelle est virile; ça se frappe, ça joue au gorille et ça se pogne les testicules.

Loin de vouloir défendre ici quelque thèse masculiniste sur la disparition du «mâle», Gravel constate qu'il n'existe plus d'idéal masculin type. «Qu'est-ce qui reste, par exemple, de l'image du flamboyant cow-boy qui nous drive encore en tant que gars?» se demande le chorégraphe et danseur, lui-même pris entre le stéréotype du danseur gai et celui au corps de dieu à la So You Think You Can Dance.

Au-delà de cette thématique apte à faire jaser, de l'univers musical inusité, signé Gravel et Stéphane Boucher, qui s'inspire entre autres de légendes du country comme Hank Williams et Cliff Carlisle, c'est le casting de Tout se pète la gueule, chérie qui intrigue. Gravel et St-Pierre sont amis de longue date. «On a dansé ensemble à Tangente, en 2003. Après ça, Dave est devenu une star, rigole Gravel. Ensuite, il a perdu la santé... («Pis là, c'est toi qui est devenu une star! « se moque St-Pierre). Je l'ai enfin attrapé cet été, après sa greffe. Il avait hâte de redanser, alors je lui ai proposé ce projet.»

Quant à Cantin, il a confié l'an dernier à Gravel les éclairages de son étrange mais non moins charmant Grand Singe, présenté à Tangente. «J'aime la façon dont Fred travaille. On génère du matériel, mais on déconne aussi beaucoup. On répète longtemps, mais dans une détente qui fait que nos univers se contaminent», avoue ce comédien, formé au Conservatoire d'art dramatique d'Avignon, qui enseigne le clown et le jeu masqué.

Par ailleurs, Gravel aime collaborer avec ces interprètes qui n'ont plus à se prouver. «Ils ont juste le goût de faire des choses qui les drivent autrement et moi j'aime ce genre de pression», souligne celui à qui Cantin et St-Pierre sont trop heureux de remettre les rênes de Tout se pète la gueule, chérie. «Moi, je lui donne du stock et il se débrouille avec! C'est son truc à lui», lance St-Pierre.

Cela dit, on a peine à croire que des personnalités aussi fortes et des esthétiques aussi distinctives que celles de St-Pierre et de Cantin se soumettent totalement. Katya Montaignac, dramaturge sur Tout se pète la gueule, chérie, et seule fille du groupe, se fait rassurante. «À mesure qu'ils travaillaient ensemble, je trouvais qu'ils commençaient même à se ressembler physiquement, avec leurs grosses barbes et tout. Maintenant, en voyant les propositions, je reconnais vraiment du Dave, du Nico et du Fred. Vous ne vous perdez pas dans la contamination avec l'autre», leur assure-t-elle.

Alors, y aura-t-il dans ce show des gars tout nus à la St-Pierre et des têtes de mascotte, objet de prédilection de Cantin? «T'inquiète pas, il va y avoir de la peau dans ce show», ironise Gravel pour rassurer la journaliste.

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Tout se pète la gueule, chérie, du 2 au 4 juin, à la Cinquième Salle de la Place des Arts. Info: www.fta.qc.ca