En plus de vingt ans d'exploration, Pigeons International a embrassé Tarantino, déterré Babylone, s'est perdu dans les coquelicots, mais a surtout déployé ses ailes pour survoler le monde sur une scène. Avec sa nouvelle création, Boa Goa, la chorégraphe Paula de Vasconcelos renoue avec ses origines portugaises, en s'inspirant de Vasco de Gama et de la grande période de navigation du Portugal.

Dans les vastes studios de Pigeons International, avenue du Parc, il y a un grand local de répétition pour les danseurs, mais aussi plusieurs bouquins qui nourrissent les recherches de Paula de Vasconcelos. Chez Pigeons, on aime se creuser la tête, fouiller dans l'histoire, toucher à la poésie ou la photo et, surtout, échapper aux classifications. Et même si ce Boa Goa s'annonce très «dansé», sa créatrice soutient qu'il s'agit d'un objet «profondément théâtral.»

 

«J'aime beaucoup l'idée de «spectacle global», un concept bien ancré en Europe. Dans nos spectacles, le vocabulaire gestuel fait partie de l'écriture scénique au même titre que les textes et la scénographie. Parce que, au fond, à quoi ça sert de dire que c'est du théâtre ou de la danse? Dans un monde où les frontières politiques tombent, il est normal que le phénomène du métissage jaillisse aussi dans le monde des arts.»

Création indo-portugaise

Vasco de Gama, explorateur dont le passage reste aujourd'hui bien vivant à Goa et Fort Cochin, a laissé comme héritage une culture hybride. «Les femmes indiennes qui voulaient se marier avec des Portugais étaient automatiquement libérées de leur caste. Une société indo-portugaise est née et a duré des siècles. De sorte qu'aujourd'hui, le contraste entre Goa et le reste de l'Inde est frappant: il y existe une culture spéciale qui touche à la bouffe, la danse, les chants, la musique.»

Le terme «métissage» semble avoir été le mot d'ordre de la conception de ce spectacle, qui évoque une certaine noblesse dans les motivations des navigateurs portugais qui ont changé le visage de l'Afrique et de l'Inde.

«Ça m'intéresse, tout ce qui touche à l'ouverture sur l'autre et la curiosité», affirme celle qui reconnaît les atrocités et la violence qui ont marqué l'âge d'or de la navigation portugaise.

«Bien sûr, les navigateurs portugais voulaient faire de la business. Ils ne sont pas allés en Inde avec l'objectif d'établir des colonies ou de convertir des gens. Ils avaient entendu parler de la richesse et des choses extraordinaires là-bas. Il y avait aussi, à cette époque, une espèce de frénésie autour du savoir relié à la navigation, une espèce de course quant à qui découvrirait le premier la voie maritime jusqu'à l'Orient.»

Le chorégraphe Roger Sinha, spécialiste de la danse indienne, a collaboré à la conception de Boa Goa. «Il nous a entraînés dans la gestuelle de la danse indienne. Son apport est magique.»

Le spectacle a été construit en trois parties, évoquant tout d'abord la traversée vers l'Inde, puis le processus de l'apprivoisement de l'autre, et s'achevant sur un retour sur le métissage. Pour Paula de Vasconcelos, le plus important est d'évoquer, et de ne surtout pas «illustrer». Pour laisser aux spectateurs le loisir d'imaginer les choses, de créer leur propre histoire.

«Ce n'est pas évident. Plus on avance et moins on est lucide dans le processus de création. Dès que je sens qu'on fait semblant, qu'on imite, je sens que ça sonne faux. Mais en même temps, on a besoin d'un ancrage solide. Mes spectacles comportent beaucoup de symboles. Ce n'est pas bon si personne n'arrive à les lire!»

Boa Goa, de Pigeons International, du 4 au 20 mars à la Cinquième salle de la Place des Arts.