Les Grands Ballets canadiens de Montréal présentent La Belle au bois dormant de Mats Ek. Dans l'univers du chorégraphe suédois, la princesse Aurore se transforme en toxicomane.

C'est en croisant une jeune toxicomane que le chorégraphe Mats Ek a trouvé le filon pour sa relecture de La Belle au bois dormant. Dans sa version, la princesse ne se pique donc pas sur un fuseau, mais avec une seringue.

 

Là n'est pas le seul tour de passe-passe d'Ek pour s'approprier le conte de Charles Perrault. Carabosse n'est plus une veille fée mais plutôt un revendeur, dont s'éprend la jeune fugueuse. Par ailleurs, le prince qui vient à sa rescousse est pour le moins douteux. Une histoire classique, en fait, qui pourrait se dérouler rue Sainte-Catherine. Mais n'allez pas croire que Ek transforme La Belle au bois dormant en documentaire sur les jeunes de la rue. Aussi tragique que soit l'histoire, le chorégraphe lui confère des allures de BD, surtout qu'il a un sens de l'humour assez subversif.

Après Solo for Two et Appartement, acquises en 2003, La Belle au bois dormant est la troisième oeuvre de Mats Ek au répertoire des GBCM. Pour l'heure, les répétitions vont bon train. Deux assistantes, dépêchées à Montréal par Ek à la fin du mois de mars, ont d'abord enseigné la chorégraphie aux danseurs ainsi qu'aux maîtres de ballet de la compagnie. Un mois plus tard, tous sont prêts à accueillir le maître.

Mats Ek est à Montréal depuis environ deux semaines pour finaliser la distribution et apporter les nuances qui s'imposent. « J'arrive après que le matériel eut été assimilé. Tout chez moi est chorégraphié avec exactitude, de manière à faire émerger des sentiments bien précis «, explique le chorégraphe.

En studio, Ek ajuste ici la trajectoire d'une jambe, là l'amplitude d'un mouvement... « Loin de moi les grands discours pour leur expliquer les motivations des personnages. C'est petit à petit que je leur transmets une foule de renseignements «, souligne cet ancien assistant d'Ingmar Bergman, qui a commencé sa carrière comme metteur en scène de théâtre avant d'intégrer les rangs de l'entreprise familiale, en 1973.

Mats Ek est le fils de Birgit Cullberg, pionnière de la danse suédoise qui a fondé le Ballet Cullberg en 1967. Ek a rejoint la compagnie comme danseur - son frère Niklas y brillait déjà - avant de succéder à sa mère comme directeur artistique, de 1985 à 1993. Si Mats Ek crée pour le Ballet Cullberg depuis 1976, c'est sa toute première relecture d'un ballet classique - Giselle, créée en 1982, où il enferme Giselle dans un asile - qui contribuera à asseoir sa notoriété comme un des grands de la danse européenne.

Ek compte une soixantaine de chorégraphies et de mises en scène à son actif, puisqu'il continue d'oeuvrer dans le milieu du théâtre et de l'opéra. À 64 ans, ce gagnant d'un prix Emmy se produit encore en spectacle avec sa femme, la magistrale danseuse Ana Laguna.

«Disons qu'il m'arrive de paraître sur scène. Je ne parlerais pas de danse», conclut Ek en riant.

La Belle au bois dormant par les GBCM, du 7 au 16 mai à la salle Maisonneuve de la Place des Arts.