C'était hier soir le grand retour de Corteo au Centre Bell, plus de 13 ans après sa création sous chapiteau. La pièce acrobatique mise en scène par Daniele Finzi Pasca est sans doute la plus théâtrale, la plus festive et la plus atypique du répertoire du Cirque du Soleil.

Clowns, géants et lilliputiens, personnages à têtes d'animaux, chaussures et pylônes téléguidés, tout cela au milieu d'un décor de vieux cirque sur une musique de fanfare rom - on est plus près ici d'un plateau de Fellini que du cirque contemporain.

Au centre de ce Corteo («cortège» en italien) se trouve le personnage clownesque de Mauro Mozzani, qui vient de rendre l'âme. Il se fraiera un petit chemin parmi les anges, qui survolent le ciel, assistera à ses propres funérailles et sera entraîné dans une grande fête où il croisera sur son chemin une foule de personnages fantasques.

Il faut savoir qu'à la création, en 2005, le Cirque avait fait un pari étonnant en proposant cette pièce.

Guy Laliberté, qui avait été ému par la trilogie du Ciel créée par Finzi Pasca pour le Cirque Éloize, lui a donné carte blanche. Le Cirque venait de lancer à Las Vegas, dans une mise en scène de Robert Lepage, qui avait déployé un arsenal technique impressionnant. Ce retour aux sources n'était donc pas sans risque. Heureusement pour le Cirque, il pubblico a suivi.

Foule face à face

La deuxième vie «en aréna» de Corteo est somme toute assez fidèle à l'originale. La scène toute en longueur divise l'aréna en deux parties, les spectateurs se faisant face, comme lors de la création sous chapiteau. Une configuration vraiment intéressante.

Même s'il règne une certaine confusion en lever de rideau sur la trame narrative de cette pièce - après le très beau numéro des lustres, on est en droit de se demander pourquoi tout le monde s'agite autour de trois lits! -, notre clown finit par établir qu'il est bel et bien mort.

Le clou de la première partie: l'envol de la lilliputienne Valentina Paylevanyan accrochée à trois immenses ballons qui lui permettent de se balader dans les gradins du Centre Bell, renvoyée dans les airs par les spectateurs. Un moment surréaliste. On la verra plus tard dans un décor de théâtre de marionnettes interprétant Roméo et Juliette avec Gregory. Imbattable.

La deuxième partie s'ouvre sur un très beau ballet musical qui réunit les personnages principaux de Corteo sur une scène tournante.

Encore une fois, on est loin des prouesses acrobatiques habituelles du Cirque.

La conversion de ce spectacle a été soigneusement planifiée par Finzi Pasca. Le metteur en scène d'origine suisse est un habitué des spectacles à grand déploiement - il a mis en scène les spectacles des cérémonies de clôture des Jeux olympiques de Turin (2006) et de Sotchi (2014). Sa scénographie (réalisée avec Jean Rabasse à l'origine) foisonne d'idées originales. Tout l'espace est habité, un exploit pour ces spectacles d'aréna.

Plusieurs numéros acrobatiques remarquables saupoudrent ce Corteo déjanté. Qu'il s'agisse de la planche sautoir, du duo aux sangles ou du numéro de tissu (en chantant!) ou encore d'un numéro acrobatique avec une échelle (à la fois simple et brillant), les aficionados de l'acrobatie seront bien servis.

Seul bémol: cette finale détournée par des gymnastes qui multiplient les acrobaties aux barres parallèles. Un numéro qui tombe comme un cheveu dans la soupe. Même s'il est bien réalisé et qu'il en jette un coup, il n'a plus rien à voir avec l'esthétique de Corteo. Pour le reste, on se réjouit de revoir cette pièce, avec toute la fantaisie et toute la poésie qui vont si bien au Cirque.

Au Centre Bell jusqu'au 30 décembre.