Les figures sont parfaitement exécutées, la technique maîtrisée, les chorégraphies studieusement mémorisées, il n'y a pas à dire, ces artistes de cirque sont vifs, agiles et même par moments audacieux. Mais, comment dire, on sort de cet Hotel impassible, sans avoir ressenti grand-chose.

Pour ses 25 bougies, le Cirque Éloize nous offre du cirque propret, irréprochable même, mais sans grande surprise ni grande émotion.

Heureusement, il y a la musique. Des pièces composées par Éloi Painchaud, interprétées sur scène avec beaucoup de caractère et de fantaisie par la chanteuse du groupe Groenland, Sabrina Halde. Soul, jazz, swing électro, toute l'émotion de ce spectacle passe par elle.

La finale, avec tous les artistes soufflant dans des instruments à vent, est une idée géniale qui donne une belle énergie au groupe. Mais il est un peu tard...

Le thème de l'hôtel permet aux créateurs d'exploiter toute l'imagerie du lieu: hall, grooms, porte-bagages, valises. C'est visuellement très riche, mais tous ces accessoires servent essentiellement de prétexte aux numéros acrobatiques. Il n'y a malheureusement aucun fil narratif. Très peu de moments introspectifs.

Éloize enchaîne ces numéros en puisant dans le répertoire qui a fait ses beaux jours : main à main, roue Cyr, corde lisse, mât chinois... Là encore, sans jamais bousculer les codes.

La mise en scène d'Emmanuel Guillaume, qui a monté la pièce western acrobatique Saloon, s'appuie presque entièrement sur l'imagerie de l'hôtel, qui s'avère un cadre payant. Le créateur d'origine belge a dit s'être inspiré de l'esthétique du film The Grand Budapest Hotel, de Wes Anderson, mais disons que le lien est ténu.

La structure à l'arrière-scène qui délimite trois espaces de jeu est très intéressante et sans doute sous-utilisée. C'est tout de même une belle trouvaille.

Quelques artistes se démarquent. On pense au duo César et Julius, qui depuis sa sortie de l'École nationale de cirque ne cesse d'impressionner. D'abord, ils ont une présence et un charisme naturels, et puis leurs figures de main à main sont vraiment étonnantes. Difficile de les quitter des yeux.

Pour le reste, le jeu théâtral de ces artistes de cirque doués est le plus souvent maladroit et tombe à plat. Le clown et acrobate Antonin Wicky, qui en fait beaucoup trop - dans le genre «slapstick» - parvient à créer malgré tout son cabotinage quelques moments d'humour qui font mouche.

Bien sûr, au fil des représentations, le groupe se soudera, le spectacle se resserrera, le jeu se raffinera même sûrement un peu, mais on regrette qu'Éloize ait opté pour une production aussi sage. Il reste bien sûr la beauté des acrobates et leurs prouesses toujours spectaculaires. Ce n'est pas rien.

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Jusqu'au 17 novembre au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts.

PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE