Claude Poissant réussit sa première mise en scène professionnelle d'un texte majeur de Michel Tremblay, Bonjour, là, bonjour, au Théâtre Denise-Pelletier.

Dans le Québec tranquillement révolutionnaire des années 70, un jeune homme, qui revient d'un séjour de trois mois en Europe, est accueilli en héros dans sa famille détricotée. Le retour de Serge braque les projecteurs sur les liens tordus entre ses quatre soeurs et lui, sous le regard d'un père sourd et de tantes hypocondriaques.

La pièce de Michel Tremblay décrit cette époque charnière où le petit Québec en bavait pour la France avec un très grand F, tout en assumant de plus en plus sa langue vernaculaire et sa singularité nord-américaine. Le Québec naissait au monde, mais dans les cuisines, les salons et les chambres à coucher, ça sentait encore les boules à mites, l'eau bénite et le roast beef trop cuit.

Les classiques de Michel Tremblay sont des pièces d'une construction complexe, inspirées des plus grandes tragédies et tissées de dialogues percutants. Symboles du changement social, les colorés personnages féminins restent néanmoins prisonniers d'un passé lourd de passions étouffées.

Tout cela est respecté dans la mise en scène précise et évolutive de Claude Poissant. Le crescendo est implacable et l'émotion finale, au rendez-vous. Pourtant, la ligne qu'établit le metteur en scène s'accompagne d'une scénographie minimaliste qui nuit, au départ, à l'adhésion du spectateur. Le tout évoluera, heureusement, au rythme du drame.

Interprétation inégale

L'interprétation s'avère inégale, mais on retiendra surtout la performance du grand Gilles Renaud, tout en retenue, et les éléments comiques représentés par Geneviève Schmidt, Annette Garant et Diane Lavallée. Leur jeu nous fait accéder aux diverses couches d'un récit qui traite de relations troubles et d'amour impossible. Sandrine Bisson fait également une grande soeur neurasthénique particulièrement convaincante.

Lors de la première médiatique de jeudi dernier, comme c'est souvent le cas malheureusement, la mécanique n'était pas tout à fait huilée au chapitre de l'interprétation, mais Claude Poissant a su miser sur l'essentiel: les émouvants échanges père-fils. Il met aussi en scène une chorégraphie originale entre Francis Ducharme et Mylène Mackay, vers la fin.

Surtout, le metteur en scène travaille le texte avec un respect total de la langue de Tremblay, des sous-entendus et du sens caché qu'elle peut contenir. Il sait faire se déployer toute la profondeur de ces personnages tragiques du répertoire québécois qu'il fait bon revoir et qui continueront d'être pertinents encore longtemps.

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Bonjour, là, bonjour. Texte: Michel Tremblay. Mise en scène: Claude Poissant. Au Théâtre Denise-Pelletier jusqu'au 5 décembre.

Photo Gunther Gamper, fournie par la production

Francis Ducharme et Sandrine Bisson dans Bonjour, là, bonjour