C'est le 40e anniversaire de Trahison, pièce du Prix Nobel de littérature de 2005, le Britannique Harold Pinter. Ce texte bien mis en scène et bien joué n'a guère pris de ride.

Le couple et son partenaire, le hors-couple. Sport extrême pour adultes consentants. Il était pratiqué dans la Rome antique, dans les années 70 quand Harold Pinter a écrit Trahison, et il y a fort à parier que cet exercice périlleux fait encore partie de l'expérience humaine.

C'est à se demander d'ailleurs pourquoi les artisans de la pièce ont tenu à maintenir l'intrigue dans les années 70, tant ce qui se joue sous nos yeux ne nous est que trop familier.

Travaillant tous les deux dans le domaine de l'édition, Robert et Jerry sont de vieux amis. Or, Jerry vit une aventure avec Emma, la femme de Robert, depuis des années. Robert l'apprend, mais continue de fréquenter Jerry comme si de rien n'était. Il avouera à Emma qu'il aime peut-être davantage Jerry qu'elle-même.

À partir du constat de départ sur les infidélités de Jerry et Emma, le récit nous est présenté à rebours. Remontant le fil des tromperies, mensonges, demi-vérités et faux aveux. Il n'y a pas de coupable ni d'innocent.

Le vrai thème de la pièce, en fait, c'est l'hypocrisie que démontre chacun des membres du trio pour sauver les apparences, les meubles, les enfants. Probablement tout à la fois. On nage dans le gris du faire semblant avec ces personnages à la fois lâches et délurés.

C'est là où l'on reconnaît l'absurde frôlant le cynisme de Pinter, dont le père spirituel était Beckett. «Ça n'a pas d'importance», répètent souvent les personnages. Leur froid détachement face à ce qui pourrait ressembler à de réels sentiments fait peur. Malaise.

Caché

Dans sa mise en scène, le rusé Frédéric Blanchette dose bien les scènes d'humour inhérent à certaines situations, sans tomber dans le boulevard. Il mise d'abord sur le texte et le jeu, laissant se construire le décor in situ à mesure qu'on remonte dans le temps. Autre astuce qui nous fait sentir le piège qui se referme sur les infidèles.

Il dirige d'ailleurs trois acteurs remarquables (Julie Le Breton, François Létourneau et Steve Laplante) dont les mimiques, gestes, intonations relèvent d'une grande subtilité. Chacun son tour nous fait croire qu'il est la victime ou le bourreau. Le tout en restant poli et courtois. Caché, en fait.

Tricher, tromper, mentir, tout le monde le fait, fais-le donc. Mais tout le monde semble malheureux. En même temps, chacun saura en tirer profit, par moments, même si la partie de « plaisirs » n'en est pas vraiment une. C'est le match nul de l'amour.

Trahison. De Harold Pinter, traduction de Maryse Warda. Mise en scène de Frédéric Blanchette. Au Rideau Vert jusqu'au 9 juin.