Sophie arrive dans une maison de campagne appartenant à Louise, qui y loue des chambres. Nouveau chômeur, son neveu Martin habite aussi à cet endroit, de façon temporaire.

Sophie semble ébranlée, troublée. Elle dit manquer de sommeil et avoir aussi perdu son emploi. Elle restera plus longtemps que prévu dans cette maison reculée où elle semble reprendre vie.

Dans ce thriller psychologique, le réalisme de la prémisse de départ est entrecoupé par des scènes solo où Sophie se remémore des violences qu'elle aurait vraisemblablement subies: insultes, menaces de viol, de mort, etc.

Une relation trouble s'installe entre Sophie et Martin, jeune homme désoeuvré ayant des penchants colériques. Amitié, complicité, peut-être plus, mais Sophie n'est pas la personne qu'elle prétendait être au départ...

Sans en dévoiler davantage, disons que la nouvelle pièce de Catherine-Anne Toupin est d'une actualité troublante. On connaît bien la violence qu'elle décrit; on la retrouve sur toutes les tribunes, dans toutes les plateformes.

Son traitement classique du sujet est relevé par une mise en scène juste et attentive de Marc Beaupré. Les éclairages et la musique servent admirablement son travail qui joue constamment entre l'ombre et la lumière, la réalité du temps présent de la pièce et le passé étrange de Sophie.

Lise Roy (Louise) et Catherine-Anne Toupin (Sophie) sont excellentes, mais c'est Guillaume Cyr qui joue ici son va-tout émotif avec une générosité totale.

L'effet de meute

Un peu étiré dans sa partie comique, le texte souffre de quelques répliques creuses et de situations convenues, qui n'enlèvent cependant rien à la pertinence de ce cri du coeur d'une auteure inquiète face à la violence qui gruge le monde moderne. 

Elle souligne ici que la frustration et la colère s'expriment, de nos jours, publiquement et en toute impunité. Dans un monde où le respect et l'intimité n'ont plus de valeur, dans une société moderne où la sexualité est omniprésente, cette critique est pertinente.

Oui, Catherine-Anne Toupin dénonce un autre travers masculin, un autre abus de privilège et de pouvoir. Mais elle le fait en parlant d'une troublante réalité dont il a été peu question jusqu'ici: l'effet de groupe, l'encouragement à la violence par une meute qui semble irréelle parce que virtuelle.

Ne fermons pas les yeux, dit-elle : la cruauté des loups existe. Ils sont d'autant plus forts qu'ils se protègent entre eux.

* * * 1/2

La meute. Texte de Catherine-Anne Toupin. Mise en scène de Marc Beaupré. À La Licorne jusqu'au 17 février.

Photo Suzane O’Neill, fournie par le théâtre LA Licorne

Guillaume Cyr joue ici son va-tout émotif avec une générosité totale.