Pour le 375e anniversaire de Montréal, les saisons des compagnies de théâtre ne font pas de pause durant l'été. Au Rideau Vert, le grand patron des célébrations, Gilbert Rozon, a demandé à Denise Filiatrault de programmer une comédie sur l'histoire de Montréal. Avec une seule contrainte: inclure les personnages de Molière et de Shakespeare dans le récit. Deux auteurs de génie pour symboliser nos deux solitudes...

Cette création signée Emmanuel Reichenbach, mise en scène par Charles Dauphinais, a pour titre Molière, Shakespeare et moi. Le «moi», c'est pour Thomas Beaubien (Simon Beaulé-Bulman), un jeune auteur en panne d'inspiration qui se voit confier, par Mgr de Montarville (Carl Béchard), l'écriture d'une pièce satirique au Grand Théâtre seigneurial de la Pointe-à-Callière.

L'argument est plutôt un prétexte pour en finir avec l'histoire de Ville-Marie. La production baigne dans la farce et l'humour rabelaisien, se foutant de la vérité historique... En résumé, on est plus proche de Claude Meunier que de Lionel Groulx.

Nous sommes à Ville-Marie en 1757, 125 ans après la découverte de la ville et 3 ans avant la Conquête. La corruption et l'abus de pouvoir règnent avec force dans le régime français. Après la présentation de sa pièce qui critique «le clergé, la monarchie et les affaires», Beaubien verra sa tête mise à prix par les autorités. Il sera sauvé par une jeune Amérindienne et son chef de père. La fin est plus shakespearienne que moliéresque: ça meurt longuement sur scène, les Premières Nations prennent leur revanche sur leurs oppresseurs, et Beaubien va enfin trouver sa Muse.

Sens dessus dessous

Molière, Shakespeare et moi est une comédie estivale qui n'a pas la prétention de réinventer la roue. Son humour grinçant et ses scènes loufoques font mouche auprès du public. Néanmoins, on se demande parfois si les spectateurs rient de la situation... ou de la production, tellement le texte va dans tous les sens: anachronismes, révisionnisme historique, satire politique, vaudeville et numéros musicaux, etc.

En fait, Molière, Shakespeare et moi ressemble à un long sketch comique qu'on aurait étiré pour faire une pièce de 80 minutes.

Dans sa mise en scène, Charles Dauphinais semble avoir «lâché lousse» sa distribution. Ça gesticule, ça parle fort et ça cabotine sur la scène. Fausse bedaine et drôle de postiche, Mathieu Quesnel joue accroupi durant toute la représentation. Carl Béchard n'a jamais eu la jambe aussi légère. Roger La Rue s'en donne à coeur joie dans le rôle du précieux ridicule seigneur d'un régime décadent. Anne-Élisabeth Bossé joue une tenancière de bordel dépassée par les événements.

Une mention aux quatre interprètes qui campent plusieurs personnages secondaires avec talent et efficacité: Chloé Barshee, Isabelle Drainville, Philippe Robert et René Rousseau.

Si la pièce programmée dans le cadre du volet À nous la scène ne risque pas de passer à l'Histoire ni au grand répertoire du théâtre québécois, le divertissement est assuré. Entre autres grâce à la folie et la fougue d'une distribution qui ne craint pas le ridicule.

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Molière, Shakespeare et moi. Comédie d'Emmanuel Reichenbach mise en scène par Charles Dauphinais. Avec Simon Beaulé-Bulman, Anne-Élisabeth Bossé, Mathieu Quesnel... Au Rideau Vert, jusqu'au 22 juillet.