Un gouvernement qui proclame que «l'ignorance c'est la force», ça sonne une cloche à l'ère où un président désigné dit «adorer les personnes sans éducation».

Là n'est pas le seul parallèle qu'on trouve dans l'excellente adaptation théâtrale de 1984, à l'affiche au Théâtre Denise-Pelletier, en coproduction avec le Trident. Le célèbre roman de George Orwell, publié en 1949, considéré comme une référence en matière d'anticipation et de science-fiction, reste d'une troublante actualité.

Considérez ceci. Le récit décrit un univers multiécrans dans lequel les caméras et les postes de surveillance sont omniprésents. Un monde totalitaire qui met en scène une «police de la pensée» pour mieux anéantir le libre arbitre et l'esprit critique des citoyens. Un régime en guerre perpétuelle, dirigé par Big Brother, dont le but est de réduire les libertés individuelles. 

La guerre à l'idéologie

Employé au ministère de la Vérité, Winston Smith (Maxim Gaudette) réécrit l'Histoire dans le cadre de son travail. Malgré le risque de se faire pincer par la Police de la Pensée, il tentera de déjouer la dictature de Big Brother.

«Une idée sera toujours indestructible», avance Winston. Son optimiste le poussera à rejoindre la Fraternité de résistants pour faire entendre la vérité. Il commence aussi à écrire un journal afin de consigner son récit. Il devient amoureux de Julia, en espérant que son amour lui donnera la force de se révolter jusqu'au bout.

La proposition d'Édith Patenaude fait une bonne synthèse des éléments du livre culte d'Orwell. La production joue aussi avec les oppositions entre la réalité et la propagande, la lucidité et le mensonge, la vérité et la doctrine.

Gros plan

Durant la représentation, tous les acteurs sont filmés par deux caméramans qui se déplacent avec les interprètes sur la scène. Notre regard balaie constamment la scène et l'écran. Comme des voyeurs qui épient les protagonistes à travers les gros plans, le public s'immisce dans cet univers dérangeant.

Maxim Gaudette est fort convaincant dans la peau de Winston, ce héros rebelle et romantique. Il est particulièrement troublant dans les scènes de torture.

Alexis Martin est machiavélique dans le rôle du perfide et charismatique O'Brien, celui qui incitera Winston à rejoindre la Fraternité de résistants qu'il dit diriger clandestinement.

Si la mise en scène nous bombarde un peu trop d'images et d'effets visuels dans le revirement de situation, ce spectacle d'une heure et quarante-cinq minutes sans entracte est fort réussi et bien mené par l'ensemble de la distribution.

Un spectacle au goût du jour dans le fond et la forme.

* * * 1/2

1984. De George Orwell. Mise en scène et adaptation d'Édith Patenaude. Au Théâtre Denise-Pelletier jusqu'au 16 décembre.