Il y a deux ans, le metteur en scène Michel Laprise a travaillé fort pour que le spectacle Kurios, qui célébrait les 30 ans du Cirque du Soleil, se distingue des autres.

D'abord, tous les numéros avaient été créés spécifiquement pour ce spectacle, ce qui est rarement le cas. Ensuite, les nombreuses chorégraphies de groupe donnaient une cohésion à l'ensemble, atténuant l'effet contraignant des numéros qui se suivent. Exit les appareils de cirque encombrants. Exit les gros bras et les démonstrations de force, le Cirque jouait de finesse et d'originalité. Au-delà de la performance, il y avait l'émotion. Call me sentimental...

Avec Luzia, le Cirque du Soleil ressort l'artillerie lourde... et revient un peu à ses vieilles habitudes.

Outre les tableaux de la première partie où la poésie et la magie du cirque parviennent à s'exprimer un peu, on assiste à une enfilade de numéros d'adresse: un jongleur tchèque (fameux), un contorsionniste russe (troublant), une équipe d'Ukrainiens et de Biélorusses à la balançoire russe (périlleux), un Polonais à la balançoire 360 (pourquoi?), une brigade aux mâts chinois, alouette!

Du cirque de qualité, bien sûr, mais du cirque sur commande, qui ne colle pas toujours au thème de la pièce - heureusement que la musique nous rappelait que nous étions au Mexique!

La première partie est sans conteste la plus réussie. L'arrivée d'un clown en parachute (qui reviendra pendant tout le spectacle avec quelques bons gags) donne le signal de départ. Les premières scènes donnent le ton, orchestre et maracas en prime. Le numéro d'anneaux chinois sur un tapis roulant en mouvement (les artistes étant vêtus de costumes de colibris) est épatant. Idem pour le numéro de main à main qui suit.

L'un des plus beaux moments du spectacle survient peu après. Un numéro de trapèze et de roue Cyr parfaitement exécuté par un trio d'artistes: Emily Tucker, Angelica Bongiovonni et Rachel Salzman. Dans un désert bordé de cactus, avec de superbes éclairages. Un numéro se terminant sous un rideau de pluie, qui aurait très bien pu ouvrir Luzia.

D'autres numéros exécutés sous des trombes d'eau ajoutaient d'ailleurs un élément de dangerosité.

De belles trouvailles

Luzia, faut-il le rappeler, est un spectacle inspiré de la culture mexicaine. Le scénographe Eugenio Caballero a réussi à créer des images fortes: d'abord avec cet immense disque solaire qui surplombe la scène, brillamment éclairé. Puis, avec ce superbe rideau cylindrique rouge évoquant le papel picado, cet art décoratif mexicain où sont découpées au ciseau des formes complexes. Il y a plusieurs belles trouvailles dans sa scénographie.

Le spectacle mis en scène par Daniele Finzi Pasca (Corteo) - qui a passé le flambeau à Brigitte Poupart en cours de création - est visuellement intéressant. Mais la touche Finzi Pasca, capable d'émouvoir en combinant théâtre et cirque, comme il l'a si bien fait dans sa trilogie du ciel, en particulier dans Rain, créé avec le Cirque Éloize, est beaucoup moins présente qu'on ne l'aurait souhaité.

Il y a bien sûr ces averses de pluie aux formes de fleurs, de coeurs ou d'animaux (magnifiques!) et encore quelques très beaux numéros chantés en espagnol, qui donnent un peu d'âme à Luzia. Le numéro aux sangles de Benjamin Courtenay - au-dessus d'un bassin d'eau - parvient aussi à toucher quelques cordes sensibles (mesdames !), mais l'ensemble nous paraît désincarné.

Les couleurs du Mexique

Les créateurs de cette ode au Mexique sont tout de même parvenus à représenter les différentes couleurs du pays: du paysage désertique (évoqué plus tôt) au foot (un duo avec deux ballons ronds), en passant par le cinéma - avec un tournage dans lequel l'homme fort Ugo Laffolay fait un numéro d'équilibre. On a aussi apprécié la faune surréaliste imaginée par Finzi Pasca et Caballero (hommes à tête de poisson, tapir, insectes, serpents, etc.).

De toute évidence, les aficionados du Cirque qui apprécient les costumes flamboyants et les numéros de haute voltige seront servis. Car n'en doutez pas, le coefficient de difficulté des numéros présentés dans Luzia est élevé. Seulement voilà, à l'heure où les compagnies de cirque contemporaines fusionnent habilement théâtre, danse et cirque, on s'attend quand même à plus qu'à pousser des «oh» et des «ah», non?

_______________________________________________________________________

Au Vieux-Port de Montréal jusqu'au 17 juillet.