Un texte bouillonnant porté par quatre acteurs polyvalents. La Televizione de Sébastien Dodge vise large et fait mouche plusieurs fois.

Le prolifique Sébastien Dodge utilise la Televizione pour se lancer dans une charge sur la société de consommation, du divertissement et de l'exploitation de la nature et de l'homme par l'homme.

La télévision est ici un prétexte, une métaphore qui permet au récit de couvrir plusieurs décennies de l'histoire contemporaine, allant de la fin de la Deuxième Guerre mondiale jusqu'à la téléréalité de nos jours.

L'histoire commence avec des soldats allemands en Italie, se poursuit en Éthiopie et se termine dans un studio de télévision, siège suprême de la dictature de l'ignorance ou, comme dirait Alain Deneault, de la médiocratie.

Tout ça au nom de la démocratie et de la liberté à saveur de chewing gum. La vérité prend plusieurs noms ici: propagande, publicité, marketing, vente. Les impérialistes décriés ne sont pas américains, mais bien de beaux et forts Canadiens au service de la multinationale Baroque Gold.

Fine satire

Les calembours et les jeux de mots abondent. Pas toujours du meilleur cru. Mais Sébastien Dodge nous surprend en utilisant davantage la matière du langage, le rythme, oui, la poésie des mots qui l'aident à pousser plus loin son exploration de l'absurde. La satire s'avère plus fine, abordant parfois les rives du surréalisme.

À la mise en scène et à la scénographie, on fait son possible avec peu. Ce sont surtout l'énergie et le talent des acteurs - David-Alexandre Desprès, Mathieu Gosselin, Louis-Olivier Maufette et Marie-Ève Trudel - qui soutiennent l'intérêt et accrochent un sourire jaune mais presque constant à la figure des spectateurs.

Certaines répliques lourdes ou creuses tombent comme des bombes: «Je voulais tuer les gens pour qu'ils se libèrent», «Tout ce qui compte dans la vie, c'est le raffinement», «C'est le meilleur Reich du monde».

En concordance avec le texte et la direction de Sébastien Dodge, les quatre complices creusent inlassablement les malaises de la superficialité qui cache le vide, du divertissement qui fait oublier l'exploitation des ressources et des peuples, notamment en Éthiopie, du mensonge des bons versus les méchants, de l'hypocrisie des médias, de la violence et de la cruauté de tous.

C'est à ce moment-là que le propos dérange vraiment; c'est ici qu'il touche à la vulnérabilité. Satirique, burlesque, clownesque même, admirateur de la commedia dell'arte, Sébastien Dodge se permet de fouiller plus loin derrière le rire. Il effleure son plein potentiel en catalysant une colère de plus en plus pertinente.

* * * 1/2

Televizione. Texte et mise en scène de Sébastien Dodge. Au Quat'Sous jusqu'au 28 avril.