Chaque fois qu'on nous annonce la mort du clown, il y en a un qui réapparaît. Même le cinéaste Federico Fellini a évoqué leur disparition dans Les clowns. Mais les nez rouges ont persévéré. Du clown Grock au russe Slava en passant par les Fratellini, Dario & Bario, sans oublier nos chers Sol et Gobelet et autres Chatouille et Chocolat, les clowns, blancs, noirs et augustes, se sont passé le témoin jusqu'à l'ère des téléphones intelligents.

Cette semaine à la TOHU, ce n'est pas un clown que vous verrez, mais sept! Comme quoi l'union fait la force... du clown. C'est l'auteur et metteur en scène François Cervantes qui a eu la bonne idée de réunir ces poètes et philosophes sur la même scène, dans un bel hommage à l'art clownesque que les Français ont contribué à relancer (avec entre autres Ludor Citrik et Les Chiche Capon).

Aujourd'hui, le plus souvent, les clowns montent seuls sur scène, dans un face-à-face avec le public, où ils se nourrissent des moindres réactions des spectateurs. On les voit aussi souvent en paires, se relançant la balle, multipliant les pitreries, qui nous renvoient à notre propre bêtise (pensez aux Belges d'Okidok!). Mais à sept, c'est du jamais vu.

Humour absurde

Dans Carnages, nous sommes en présence de sept clowns parlants (ils s'expriment français, bien sûr), qui apparaissent les uns après les autres dans un théâtre (quel heureux hasard!).

Le spectacle est mené de main de maître par le clown Arletti (Catherine Germain), venue il y a deux ans à Montréal complètement cirque, qui est le liant de ces univers clownesques qui entrent en collision.

«C'est ici que je veux habiter», dira Arletti, qui est la première à apparaître sur scène. Son comparse Zig la suivra, traînant avec lui mille babioles. Entre eux, les dialogues sont décalés. «Tu fais encore du bruit quand tu respires», lui reproche-t-elle. «D'accord, je vais arrêter de respirer», répond-il avant de perdre connaissance quelques secondes plus tard.

Au troisième clown, Octo, Arletti demandera: «Je peux me prendre dans tes bras?» Il y en a même un qui ne se souvient plus de son nom. «Appelle-moi Jim pour voir», demande-t-il. «Jim.» «Non, c'est pas ça.»

Vous l'aurez compris, on nage ici en plein humour absurde, proche de l'univers de Beckett et même des aventures potagères du bédéiste Mandryka!

François Cervantes réussit parfaitement à faire cohabiter ces différents personnages clownesques grâce à leur projet commun d'habiter la scène, ce qu'ils font magnifiquement. Chacun y met du sien: la boute-en-train, le rabat-joie, l'hyperactif, l'inquiet, le philosophe, etc. Les échanges fusent avec éloquence, explorant habilement ces états d'âme qui nous traversent.

On sourit beaucoup plus qu'on ne rit dans Carnages. Sauf peut-être dans cette scène où un chien aplati retrouve la vie! Il y a des moments où on se demande «mais ou et donc car ni or»! Soyons clair: ceux qui n'aiment pas les clowns ne les aimeront pas plus ici. Mais ils sont tellement attachants, et moins naïfs qu'ils ne le paraissent, qu'on finit par se laisser gagner par leurs folies.

C'est la grande force des clowns: réfléchir à l'extérieur de la boîte. Comme tous ces beaux fous et ces marginaux, il faut parfois prendre le temps de les écouter.

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Texte et mise en scène de François Cervantes. À la TOHU jusqu'au 8 novembre.