L'histoire est mince comme un fil doré. Les personnages sont aussi vieux qu'un Dodge Custom Royal 1959. Les chansons, certes entraînantes, n'ont rien de grandiose. Or, depuis 44 ans, Grease fait chavirer les publics du monde entier. Probablement parce que la nostalgie de la jeunesse et du premier amour reste une formule universelle... Et payante.

La production électrique et endiablée que Juste pour rire propose cet été au Théâtre St-Denis a le mérite de ne pas se prendre trop au sérieux. Le comédien Jason Roy Léveillée a trouvé les bons mots pour qualifier Grease : naïf, coloré et magique ! Cette deuxième adaptation québécoise de Grease en 17 ans - Denis Bouchard l'avait montée en 1998, avec entre autres Serge Postigo (Danny) et Marina Orsini (Betty Rizzo) - contient pas mal de naïveté, beaucoup de couleurs et assez de magie pour en faire un succès.

Digne successeur de Denise Filiatrault, Andrew Shaver signe une mise en scène généreuse et spectaculaire. Les personnages sont encore plus stéréotypés que dans le film, comme s'ils étaient tout droit sortis d'un cartoon, avec les dangers de cabotinage que cela comporte.

Dans l'ensemble, cette production de Grease est un bon divertissement livré par des interprètes de talent, à l'aise autant dans le jeu que dans le chant et la danse. On y distingue trois ex-star-académiciens bel et bien à leur place dans l'univers de la comédie musicale populaire.

ANNIE VILLENEUVE SE DÉMARQUE

Annie Villeneuve est très convaincante dans le rôle de la sage et parfaite Sandy. Ses deux solos (Hopelessly Devoted... et la reprise de Look at Me, I'm Sandra Dee) sont magnifiquement interprétés et font partie des plus beaux moments du spectacle.

Le jeu très physique et comique de Jason Roy Léveillée en Danny fait mouche auprès du public. Toutefois, ses mouvements et faciès élastiques, à la Jim Carrey, détonnent avec ceux du beau rockeur qui brise le coeur de Sandy. Ces deux-là ne semblent pas follement amoureux.

Chez les mauvais garçons, Bryan Audet et Philippe Touzel se distinguent avec leur forte présence scénique, leurs chorégraphies suggestives et leur belle voix. Jean-Marc Couture se démarque au deuxième acte dans un excellent duo (guitare et harmonica) avec Normand Brathwaite, qui incarne l'animateur Vince Fontaine.

UN ANGE GLAMOUR

Autre moment fort, l'ange gardien campé par Gardy Fury, dans un numéro de production très glamour. L'acteur-chanteur-danseur descend du ciel pour interpréter, en français, Beauty School Dropout. Une prestation tout simplement galvanisante ! Fury ressemble à un croisement de Prince, James Brown et Sylvester !

Foisonnante, la direction de Shaver manque toutefois de cohésion. Elle laisse quelques scènes s'étirer inutilement, ajoutant ici et là des numéros de cirque et d'acrobaties.

Par exemple, le metteur en scène a eu la curieuse idée d'intégrer un mât chinois au milieu du bal de fin d'études ! Une scène qui ne lève pas.

Qui plus est, Shaver semble avoir demandé à ses interprètes de se brancher « sur le 220 volts » ! Un conseil à la troupe pour passer à travers l'été : You better shape up...

La traduction québécoise d'Yves Morin ne sonne pas toujours années 50 : « Lâche-moi les gosses, maudit moron ! » Mais il a trouvé l'équilibre entre les chansons en anglais et en français. Tout le travail de conception est réglé au quart de tour : les chorégraphies d'Annie St-Pierre, le décor et les costumes de James Lavoie, la direction musicale de Guillaume St-Laurent.

Pour qui se laisse divertir aisément, cette comédie musicale est du bonbon !

Grease

Mise en scène par Andrew Shaver

Avec Annie Villeneuve, Jason Roy Léveillée, Normand Brathwaite

Au Théâtre St-Denis 1 jusqu'au 1er août

Photo Vivien Gaumand, fournie par Juste pour rire