Serge Denoncourt et ses comédiens font rire tout autant qu'ils donnent froid dans le dos avec Les liaisons dangereuses chez Duceppe. Quand l'amour rime avec jamais.

L'amour mécanique, l'amour froid, l'amour manipulé, dans le fond, l'amour de travers. Si ce n'était les éclatants costumes et décors, cette présentation de la pièce Les liaisons dangereuses ferait penser à une pornographie glauque.

Le metteur en scène Serge Denoncourt a décidé de placer ses Liaisons dans le new-look de Dior, Paris 1947. Ce magnifique écrin souligne encore davantage la superficialité et le cynisme de personnages qui ne pensent qu'à ça.

Ils en parlent beaucoup et le font sauvagement, mais guère pour le plaisir. Le sexe est une arme et leurs appétits insatiables relèvent plutôt de l'orgueil, de la jalousie et de la vengeance. Tout est dans la sauvegarde de l'image, la pose, le gros plan approprié. Rien, sinon la cruauté, ne se cache derrière.

C'est en cela que cette excellente production colle le plus à la peau de notre modernité baignée par le sexe tous azimuts, submergée par le désir facile, la séduction, le mensonge et la manipulation.

Nous sommes loin d'un léger marivaudage ici, mais bien dans une cruelle guerre des sexes. Ou, comme le dit Mme de Merteuil à Valmont dans la pièce: «Dominer votre sexe et venger le mien.»

Pour survivre dans ce désamour, les femmes doivent être plus fortes que les hommes. Julie Le Breton (Mme de Merteuil) survole la distribution avec son personnage tout de froide perfidie et Magalie Lépine-Blondeau (Madame de Tourvel) vole le show à quelques reprises en éclatant d'émotions senties, une certaine oasis dans ce désert sans compassion.

La performance d'Éric Bruneau (Valmont) nous laisse plus songeur. Il fait montre d'une certaine inconstance et d'un manque de nuance dans ce rôle qui exigerait un charisme machiavélique de presque tous les instants.

La scénographie occupe bien la grande scène de Duceppe; la scène circulaire pivote sur elle-même pour changer de décor. Denoncourt profite de cette disposition scénique pour attiser la méfiance des uns envers les autres, car les personnages peuvent s'épier d'un lieu à l'autre.

L'humour gras est parfois un peu trop souligné et la fin de la pièce, d'un ton moralisateur, aurait pu être escamotée.

Le texte incisif et les nombreuses qualités du spectacle brillent, toutefois, telle une lame tranchante qui vise froidement la conscience du spectateur.

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Les liaisons dangereuses, chez Duceppe jusqu'au 17 mai.

PHOTO FOURNIE PAR LA PRODUCTION

Magalie Lépine-Blondeau vole le show à quelques reprises en éclatant d'émotions senties, une certaine oasis dans ce désert sans compassion.