Avec Memphis, sa ville d'adoption, Québec compte parmi les hauts lieux de conservation de la mémoire d'Elvis Presley, celui qui, il y a 60 ans, a changé la face de la musique populaire dans le monde.

La place de Québec dans cet exercice de mémoire appartient entièrement au Lavallois Martin Fontaine, qui, entre 1995 et 2007, a incarné l'icône américaine plus de 1200 fois dans Elvis Story au Capitole. Avec 1,7 million de spectateurs, ce montage de tableaux représente le plus grand succès de l'histoire de la scène québécoise après Broue (3,2 millions).

Cet été, pour les 20 ans du Capitole, Fontaine retourne à Québec avec Elvis Experience, où il veut faire revivre la grande époque du King à Las Vegas. À l'hôtel International devenu depuis le Hilton, Elvis Presley a donné entre 1969 et 1976 pas moins de 837 représentations consécutives à guichets fermés.

Déploiement spectaculaire

Sammy Davis Jr. n'était pas sur le tapis rouge du Capitole, mercredi, pour la première d'Elvis Experience, mais sur la scène, on a eu droit au même déploiement spectaculaire qu'à Vegas où le King - dans ses plus belles années de performeur - chantait accompagné par 24 musiciens et huit choristes.

Elvis Experience reste toutefois encore peu convaincant parce qu'on n'entend pas assez ses instrumentistes et choristes, pas assez et pas assez distinctement. En plus d'être l'unique vedette du spectacle, Martin Fontaine cumule les fonctions de producteur au contenu, de directeur artistique et de metteur en scène. Dans sa volonté de rigueur historique - jumpsuit blanc brodé d'or, trois choristes blacks (de Montréal, Trois-Rivières et Québec), guitariste arborant la moustache seventies -, Fontaine a aussi choisi de rester dans l'ingénierie sonore de l'époque, se privant ainsi du potentiel de la panoplie moderne. Avec la tendance naturelle du sonorisateur à concentrer le volume sur la voix de la vedette, on se retrouve avec une section de cuivres et anches sans sons perçants et un octuor à cordes perdu dans le magma. Vingt-quatre musiciens, huit choristes! Il faut que ça cogne, sinon c'est de l'argent jeté dans le fleuve.



Fontaine, on l'a dit, connaît son Elvis, mais dans l'environnement plus libre d'une prestation en continu (par opposition aux tableaux) où il doit présenter ses chansons et badiner un peu, on le sent un peu perdu. C'est une chose de lancer des foulards aux fans et d'aligner les finales-karaté, reste que le spectateur s'arrêtera toujours plus à l'impression d'ensemble qu'à des détails, fussent-ils respectueux de l'histoire. Ici, l'apport d'un(e) metteur(e) en scène distancié(e) pourrait beaucoup bonifier l'Elvis Experience.

Entre ballades et rock

Quant à la musique, dont on devrait théoriquement traiter en premier, elle est toute là, riche, vaste et diverse. Pour Elvis, Vegas a représenté l'époque des grandes ballades, de My Way à You Don't Have to Say You Love Me, en passant par Can't Help Falling in Love; cette partie du répertoire presléen vieillit peut-être mal, mais Fontaine livre ces ballades grandioses et sirupeuses avec le talent qu'on lui connaît, même si la nervosité de la première lui a fait escamoter deux ou trois finales en crescendo. L'Elvis essentiel reste toutefois le rockeur, et les moments les plus forts musicalement se trouvent encore et toujours dans Polk Salad Annie, dans Johnny B. Goode et dans Hound Dog avec sa puissante ouverture rhythm'n'blues où le band donne toute sa mesure. Wow!

Dans sa facture actuelle, Elvis Experience représente un spectacle de qualité, perfectible dans ses dimensions sonore et scénique où il est tout à fait possible d'apporter les ajustements nécessaires sans tout virer à l'envers. Déjà avec du son, les spectateurs, qui auront apprécié Elvis Experience à moins de 100$ pour le souper-spectacle, partiront comblés après que le MC de l'International aura annoncé que «mesdames et messieurs, Elvis a quitté le building».

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ELVIS EXPERIENCE, au Capitole de Québec jusqu'au 27 juilllet; lecapitole.com