Solitudes solo, plus récente création du chorégraphe montréalais Daniel Léveillé, progresse d'une danse gymnique et spartiate vers une danse expansive et vibrante. Le savant parcours en vaut la chandelle.

Solitudes solo se compose de huit solos et s'amorce en terrain connu, pour qui suit le travail de Léveillé (La pudeur des icebergs, Le crépuscule des océans). Mouvements détachés, explosions d'énergie suivies d'un retour en position neutre et d'immobilité. Déplacements appliqués. Tours en l'air, jetés et bonds puissants, avec réceptions lourdes et sonores, fentes immenses et grands pliés. Ainsi, le premier solo, dansé par Justin Gionet, donne le ton et s'apparente à la routine de gymnastique au sol!

Mais, déjà, au deuxième solo, Manuel Roque enrichit le lexique de spirales et de transitions plus liées. Au troisième tableau, la réception des sauts de Gaëtan Viau est maintenant feutrée et il nous surprend avec un battement d'ailes façon Lac des cygnes!

Lorsque Emmanuel Proulx entre en piste, sa «routine» est plus longue et complexe. On tend vers l'adage et la musique pour violon de Bach, qui accompagne, par moments, chacun des solos, commence ici à être porteuse de sens. Les lignes s'allongent et se maintiennent aux limites de l'équilibre; les déplacements en amplitude maximale s'enchaînent. Puis, la fatigue apparente de Proulx ajoute une douceur nouvelle au solo, appuyée, ici et là, par un curieux roulement de hanches.

Il y aura ensuite Roque qui, pour la première fois dans Solitudes solo, ira du souffle sonore et de bras arrondis. Il ajoute aussi une attaque, qui casse la neutralité jusqu'ici caractéristique de la pièce. Tout à coup, au milieu de cet univers masculin, le solo de Lucie Vigneault marque l'apothéose, féminine et triomphante, de la sourde progression vers l'expressivité et la libération méticuleusement orchestrée par Léveillé. Et il y parvient sans jamais user d'effusions dramatiques, que par fines touches, par répétitions et accumulations. La seule note franchement théâtrale: le solo final, dansé par Viau sur une chanson surprenante, qui clôt Solitudes solo avec peut-être une pointe d'ironie.

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Solitudes solo de Daniel Léveillé Danse. À l'Agora de la danse jusqu'au 29 septembre. Info: 514-525-1500.