On ne doit jamais ramener chez soi une belle étrangère rencontrée au théâtre, un soir de désoeuvrement. Richard Hannay va l'apprendre à ses dépens dans la comédie policière Les 39 marches. Ce gentleman, faussement accusé de l'homicide d'une femme, doit partir en cavale à travers le Royaume-Uni. Durant 90 minutes, riches en rebondissements et en divertissement.

Adaptée du roman The 39 Steps de John Buchan et du film éponyme d'Alfred Hitchcock par Patrick Barlow, la pièce, créée en 2007 à Londres, est produite actuellement à L'Étoile à Brossard dans une mise en scène de Benoit Pelletier. Par-dessus tout, l'oeuvre est une brillante démonstration de la magie de l'art scénique, avec son infini pouvoir d'évocation. Ici, pas de décor imposant ni d'effets spéciaux, encore moins de bidules technologiques. Quelques accessoires, de la musique, de bons éclairages, des ombres chinoises... et un quatuor d'acteurs virtuoses et versatiles. Cela suffit pour nous transporter dans une folle aventure au fin fond de l'Écosse. «Less is more», dit-on en anglais.

Pour plonger dans cet univers loufoque et déjanté, il faut accepter la convention du pastiche de polars ou de films d'espionnage, comme dans les James Bond ou Austin Powers. Tout est décalé, exagéré, absurde. Mais on ne reproduit pas les codes du vaudeville, on les réinvente. La scène où Richard Hannay traverse les nombreuses pièces d'un manoir écossais, guidé par la maîtresse de maison (Patrice Coquereau, désopilant!) est une variation autour de la porte dans le boulevard qui, ici, se déplace au lieu de claquer...

Pour sa première mise en scène au théâtre, Benoit Pelletier a fait un travail admirable. Il faudrait davantage parler de direction que de mise en scène, car tout est identique à la production originale. Mais Pelletier a aussi fait une savoureuse adaptation du texte en ajoutant des niveaux de langage et des références québécoises sans dénaturer cette histoire très britannique. Il est secondé par une excellente équipe de concepteurs, dont Marie-Claude Gagné qui signe la trame sonore, omniprésente et très signifiante dans le récit dramatique.



Dans le rôle de Richard Hannay, Joël Legendre est convaincant. À ses côtés, en vamp hitchcockienne, Diane Lavallée est exquise. Martin Drainville et Patrice Coquereau sont prodigieux. Ils incarnent une cinquantaine de personnages, parfois une demi-douzaine en quelques secondes, en se transformant à la manière d'Arturo Brachetti. Drainville, qu'on n'avait pas vu beaucoup au théâtre ces dernières années, est tout simplement délirant. Le comédien joue du grand burlesque dans des numéros dignes d'Olivier Guimond. Comme ses pairs, l'acteur est dans son élément ici, heureux de s'abandonner dans sa douce folie. Et de nous la transmettre.

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Les 39 marches, jusqu'au 21 juillet, à L'Étoile du Dix-30, à Brossard.