À quatre mois de la première officielle de sa nouvelle création Toruk, inspirée du film Avatar de James Cameron, le Cirque du Soleil a dévoilé la maquette et le décor de sa 37e production. Une visite guidée par les metteurs en scène Michel Lemieux et Victor Pilon, qui en sont à leur quatrième collaboration avec le Cirque.

Premier avertissement: ne vous attendez pas à retrouver le héros d'Avatar, Jake Sully, envoyé sur la planète Pandora pour gagner la confiance des Na'vis afin de les convaincre de quitter leur arbre-maison. Vous ne verrez pas non plus la jeune Neytiri, de qui il tombera amoureux, l'initier aux us et coutumes de sa tribu en harmonie avec la nature.

Non, le combat entre les Omaticayas et les avatars de l'armée américaine n'aura pas lieu au Centre Bell le 21 décembre prochain, les créateurs de Toruk ayant choisi de situer l'action 3000 ans avant celle racontée par James Cameron. Une idée de Guy Laliberté, a expliqué hier Michel Lemieux, qui a voulu éviter la comparaison avec les personnages de 3 mètres représentés dans le film.

«Nous sommes dans la préhistoire de la lune Pandora, avant l'arrivée des humains, détaille Michel Lemieux. Dans le film, rappelle-t-il, Jake Sully dompte une espèce d'oiseau rouge qui s'appelle Toruk pour rassembler les différentes tribus. On dit qu'il est le sixième à monter cet oiseau. Nous, on raconte l'histoire de la première "âme pure» à l'avoir monté.»

Il n'y aura donc pas d'avatars, seulement des Na'vis, petites créatures bleues affublées d'une natte et d'une queue baladeuse. Les costumes ont été conçus par l'Australienne Kym Barrett, qui a réalisé ceux de The Matrix. Elle a aussi travaillé avec Robert Lepage pour l'opéra The Tempest et pour le spectacle sous chapiteau Totem du Cirque.

Recréer l'imagerie d'Avatar

L'arbre-maison du clan des Omaticayas sera évidemment représenté sur scène par une immense structure gonflable de la grosseur de deux triplex, a indiqué Victor Pilon. Une première pour le Cirque: un narrateur fera le récit de cette histoire gravitant autour de deux jeunes hommes soumis aux rites du passage à l'âge adulte.

«Dans notre histoire, un désastre écologique met en péril l'arbre des âmes [grand saule pleureur symbolisant la divinité na'vi]», résume Michel Lemieux. Les deux jeunes amis vont essayer de sauver leur planète, mais les autres membres de leur tribu se moqueront de leurs plans...»

«On s'est beaucoup inspirés de la liberté que s'était donnée Julie Taymor dans son adaptation scénique du Roi lion», dit Michel Lemieux. «Quand on regarde ce spectacle, on sent bien la signature de la metteure en scène, qui a fait beaucoup plus qu'un produit dérivé du film de Disney. Avec Toruk, on espère vraiment aller dans ce sens.»

Le sceau de James Cameron

Le dramaturge Olivier Kemeid a également été appelé à travailler au scénario de Lemieux-Pilon, s'inspirant tant d'Ulysse que de Star Wars ou de Lord of the Rings pour en peaufiner les détails. Ce scénario a été approuvé par la société de James Cameron, Lightstorm, qui a supervisé toutes les étapes de création du spectacle. Cameron aurait même réécrit des portions du scénario, selon les metteurs en scène.

«James Cameron a insisté pour que tout ait une raison dans le scénario, indique Michel Lemieux, qui a rencontré le cinéaste à au moins cinq reprises. Il ne voulait pas de magie ou de numéros acrobatiques sortis d'un chapeau. Il fallait qu'il y ait une justification. Et ça, c'est très intéressant. Il nous a donné accès à tous les documents décrivant le monde des Na'vis et à toutes les scènes du film qui ont été coupées.»

Des projections, bien sûr!

Des projections scénographiques (vallons, montagnes, déserts, forêts et falaises) recouvriront toute la surface de la scène. «Ça va être assez hallucinant, prédit Michel Lemieux. C'est comme si on projetait un immense film à la grandeur de l'aréna, à l'intérieur duquel des personnages en 3D s'animent pour nous raconter cette histoire.»

La faune étrange de Pandora sera représentée par d'immenses marionnettes conçues par Patrick Martel, qui seront manipulées à vue par des Na'vis vêtus de noir. «James Cameron nous a incités à créer de nouvelles créatures, ce qu'on a fait avec une espèce d'austropède qu'il a tellement aimé qu'il pourrait l'inclure dans son prochain film», raconte Victor Pilon.

Les 35 artistes de cirque seront au service de ce scénario, multipliant les chorégraphies et acrobaties de groupe. «Il n'y a pas de numéro grandiose, prévient Michel Lemieux. Notre objectif était de créer de l'émotion, et parfois, quand on est trop haut, ça ne nous touche plus. On a créé des numéros qui n'existent pas et qui s'imbriquent dans notre scénario.»

«James Cameron nous a dit avoir avoir réuni les meilleures qualités humaines pour décrire le peuple des Na'vis, note enfin Michel Lemieux. Des qualités qu'on a perdues avec le temps. On espère donc que ce spectacle parlera aux humains d'aujourd'hui, aux prises avec des enjeux écologiques. Une histoire qu'on a besoin d'entendre pour sauvegarder notre planète, malgré les différences entre peuples.»