Les 31 finissants de l'École nationale de cirque de Montréal ont vécu une semaine riche en émotions avec la présentation de leurs deux spectacles de fin d'année. Une première rencontre avec le public montréalais, pour eux comme pour nous qui avons découvert les talents de cette nouvelle cohorte issue de 10 pays.

La semaine a commencé avec la présentation de L'abri, mis en piste par la chorégraphe torontoise Gioconda Barbuto. Pour une première incursion dans le monde du cirque, on peut dire que l'ex-danseuse des Grands Ballets canadiens a tiré son épingle du jeu. Avis aux dépisteurs.

La chorégraphe d'origine italienne a réussi à lier avec cohésion la quinzaine de numéros des finissants avec des segments dansés très finement chorégraphiés. Sa mise en scène est construite autour d'un abri en bois à l'arrière-scène, avec des ouvertures d'où vont et viennent les interprètes.

Il y a plusieurs belles découvertes dans ce spectacle. À commencer par le duo formé de Melvin Diggs et de Sidney Bateman dans un superbe numéro d'anneaux chinois. Les deux Américains ont non seulement une présence et un charisme redoutables, mais ils ont aussi conçu un numéro original. Certainement l'un des moments marquants de la soirée.

Les deux acrobates ont également brillé dans des numéros individuels - Diggs au cadre russe, Bateman au diabolo.

Plusieurs duos étaient au programme. Outre les numéros de cadre russe et d'anneaux chinois, on a vu deux numéros de main à main - forts techniquement, mais encore verts d'un point de vue artistique - et un duo de trapèze fort réussi, avec des figures originales proposées par les Américaines Lindsay Culbert-Olds et Kia Melinda Eastman.

Autre belle révélation: Justin Buss à la roue Cyr. Le jeune homme originaire de l'Alberta a fait un numéro d'une douceur et d'une précision impressionnantes. Son collègue à la roue allemande, Olivier Sylvestre, natif de Shawinigan, a fait preuve de la même maîtrise.

Un mot sur les deux numéros de trapèze ballant. De chouettes numéros, difficiles aussi, mais, il faut bien le dire, on revoit souvent les mêmes figures d'année en année. De plus, comme il leur faut de l'élan pour les exécuter, les acrobates passent la moitié du temps à se balancer. Bref, ce n'est pas une discipline qui leur rend toujours justice.

Le groupe a terminé le spectacle en apothéose avec un très chouette numéro de banquine, dans lequel tous les membres du groupe ont pu se faire valoir.

La matrice de Morphée

Avec La matrice de Morphée, on pourrait reprocher au chorégraphe Michael Watts d'avoir exploré trop de pistes et d'ambiances différentes, qui donnent à ce spectacle une impression de courtepointe assez chaotique. Cela dit, reconnaissons qu'il a pris plus de risques que sa collègue Gioconda. Des risques qui ont parfois été payants.

Malgré un début cahin-caha, des scènes de «clowneries» agaçantes et un segment bizarroïde dans ce qui semble être un hôpital psychiatrique, le chorégraphe est parvenu à créer quelques tableaux assez sublimes et des chorégraphies mêlant habilement danse et cirque.

On pense notamment au très beau numéro de sangles aériennes de Johan Prytz, sur la pièce Everybody Hurts de REM, entouré des autres interprètes qui dansent.

Cet éparpillement scénique ne nous a pas empêché d'apprécier les performances fameuses de Cooper Stanton, impérial au trapèze ballant, du rouquin Daniel Sullivan, électrisant dans son numéro de cerceau (un vrai showman, celui-là!), de Noëmi Fallu-Robitaille, gracieuse à la corde lisse, et la belle folie d'Émile Mathieu-Bégin au monocycle.

Deux numéros en petit groupe ont retenu notre attention: le duo, magnifique, formé de Guillaume Mesmin et d'Anouk Blais au trapèze ballant, puis le numéro de planche coréenne présenté en fin de spectacle par un trio formé de Zachary Arnaud, Pablo Valarcher et Boris Fodella. Une performance endiablée sur Thunderstruck d'AC/DC. On a déjà hâte de revoir ce numéro à trois lorsque Boris Fodella sera remis d'une blessure.

Bref, de bien beaux talents que l'on risque fort de revoir sur nos scènes dans les prochaines années.

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À la TOHU jusqu'au 8 juin.