Comme bien des artisans du cirque, Stéphane Roy a d'abord travaillé comme scénographe pour des compagnies de théâtre et de danse. Il a notamment travaillé avec Dominic Champagne (L'Odyssée), mais aussi avec Alice Ronfard, La La La Human Steps et Carbone 14. Petit à petit, il s'est intéressé aux arts du cirque. Avec le Cirque du Soleil, il a signé la scénographie de Dralion, Varekai, Zumanity, Kooza et Zarkana.

En quoi votre travail de scénographe a-t-il changé depuis que vous travaillez avec le Cirque?

Le théâtre est un art de conventions et de distanciation. Tu lis le texte, tu écoutes le metteur en scène et tu essaies de trouver la clé. La grande différence avec le cirque, c'est qu'il n'y a pas de scénario. On a une idée de base, mais on écrit le spectacle à mesure qu'on le crée, avec le metteur en scène et les artistes. C'est fabuleux!

Quel a été votre point de départ?

Au début, Michel nous a parlé d'un spectacle dans les nuages, au-dessus du chapiteau. Entre deux zones: un possible et un impossible. On a brodé autour de ça. Puis, on s'est mis à parler du steampunk, ce mouvement rétrofuturiste qui consiste à récupérer des objets anciens pour les transformer en objets hybrides. Je suis allé dans les marchés aux puces et les foires et on s'est amusés à faire exactement ça.

D'où les cabinets de curiosités, qui sont les ancêtres des musées...

Oui. On s'est retrouvés dans cette période-là, à la fin du siècle des Lumières, avec l'Exposition universelle de Paris. À un moment où l'on a assisté à l'explosion des communications, mais aussi du transport et de l'électrification, des premiers enregistrements de voix, des gramophones, des télégraphes...

C'est un spectacle sur les grandes exaltations de ces découvertes?

C'est l'au-delà, l'inconnu. Ce sont les premiers aéronefs, les premières montgolfières. On se demande comment capter des ondes. Il y a une aura autour de l'être humain qui se met à inventer des machines. Il va dans des endroits où il n'aurait jamais pensé aller. C'est vraiment ça, le thème du spectacle.

Quelle était votre proposition pour la scénographie de Kurios?

Ma proposition tournait autour du personnage du Chercheur, qui squatte une machine semblable à celle que l'on retrouve dans Vingt mille lieues sous les mers, mais aussi un poteau de télégraphe, un tuyau, un cornet de gramophone, à la manière du steampunk. Avec tout ça, il s'est construit un atelier avec des capteurs d'impossible, dans un bric-à-brac de curiosités.

Parlez-nous de la main mécanique que l'on verra dans Kurios...

C'est une main géante de 16 pieds de longueur, qui se déplace sur scène. Une espèce d'automate étrange avec le bout d'un doigt qui évoque une sculpture de l'Antiquité, un autre doigt représentant la Renaissance italienne; c'est comme une main de Frankenstein faite de plusieurs morceaux. Les cabinets de curiosités, ce sont nos numéros de cirque. Dans ce cas-ci, il y aura un numéro de contorsion sur la main.

C'est votre sixième production avec le Cirque. Quelle est votre signature cette fois?

Comme scénographe, je raconte une histoire différente chaque fois. Je crois que l'incarnation des lieux est très forte dans cette pièce. J'ai toujours eu une approche d'architecte dans ma façon de bâtir des lieux. Là, on est comme dans un magasin de jouets. On est beaucoup dans l'univers de Tim Burton et de Jules Verne. Mais ce n'est pas une reconstitution d'époque; c'est de la science-fiction. Il n'y a rien de reconnaissable. C'est ça qui est amusant.