C'est le secret le mieux gardé du nightlife new-yorkais. Pour l'instant. Le 31 décembre dernier, le mythique cabaret de l'hôtel Paramount à New York - The Diamond Horseshoe - a rouvert ses portes avec un spectacle immersif baptisé Queen of the Night. Un projet créé, entre autres, par la troupe de cirque Les 7 doigts de la main.

Le producteur américain Randy Weiner, initiateur du spectacle déambulatoire Sleep No More, est passé maître dans l'art de créer des rendez-vous artistiques entourés de mystère. Dans des lieux insolites. La veille du jour de l'An, il a entamé une série d'avant-premières de son dernier-né: Queen of the Night, genre de cabaret coquin présenté au fameux Diamond Horseshoe.

«Ça fait des années que les gens cherchent un projet qui ferait renaître ce cabaret de Broadway, qui était un des lieux les plus hot de New York dans les années 40», nous dit Randy Weiner. Plusieurs projets ont été présentés, mais c'est lui qui a eu la main heureuse. Il y a deux ans, il a proposé aux 7 doigts de la main de participer à l'aventure et convaincu le propriétaire de l'hôtel et mécène Aby Rosen de transformer le lieu.

«Mon projet était tellement différent et fou qu'Aby Rosen a eu envie d'embarquer, indique le producteur américain. Il a investi 20 millions pour rénover la salle.» Le projet, baptisé Queen of the Night, est une sorte de souper-spectacle où environ 200 personnes sont conviées à une soirée «intime et décadente» en présence d'une quarantaine d'artistes multidisciplinaires qui gravitent autour d'eux.

«Le public new-yorkais en a vu des spectacles, nous dit-il. Il faut pouvoir le surprendre, le déstabiliser. Dans les spectacles immersifs que j'ai produits, on ne sait jamais vraiment ce qui va se passer.» Sleep No More, par exemple, inspiré de l'histoire de Macbeth, de Shakespeare, se passe dans une centaine de pièces de l'hôtel McKittrick.

«On joue avec les attentes des gens sur ce qu'est une représentation théâtrale.»

Tête-â-tête

Dès l'arrivée des convives, des spectateurs sont emmenés par les artistes dans de petites pièces. Seuls ou en petits groupes. «Il y a une réelle volonté de créer une relation avec le public, nous dit la danseuse Katherine Crocket, qui joue le rôle de la reine et qui fait un solo de danse. On établit un contact visuel avec les gens, on leur parle. Avec toute notre vulnérabilité, notre sensibilité.»

Des chorégraphies de groupe et des numéros de cirque sont présentés au cours d'un repas gastronomique concocté par un chef réputé, Jason Kallart. Pendant la soirée, certains spectateurs sont invités à suivre des membres de la troupe qui les emmènent dans des lieux privés. Ici avec un magicien, là avec un jongleur qui fait une performance pour un spectateur. On joue avec les interdits, on titille le spectateur.

Au départ, les créateurs se sont inspirés du célèbre opéra de Mozart La flûte enchantée, notamment pour créer les personnages de la reine et de sa fille Pamina. Mais au lieu qu'elle soit sauvée par Tamino, on assiste à une grande réception pour célébrer le passage à l'âge adulte de la jeune fille. D'où le côté sensuel et coquin du spectacle mis en scène par Christine Jones. Nous, les convives, sommes les témoins de ce rite de passage.

«On sert un repas qui est complètement débile, des porcelets entiers embrochés, des côtes de boeuf entières, des homards entassés dans des cages d'oiseaux, détaille Randy Weiner. On veut que ce soit une expérience décadente à tous les niveaux pour qu'ils soient partie prenante de cette réception organisée par la reine en l'honneur de sa fille. Ça se termine sur une note plus romantique, qui est assez touchante.»

Le cirque dominant

Les numéros des 16 artistes de cirque - dirigés par Shana Carroll des 7 doigts de la main - forment l'essentiel du programme. On y retrouve d'ailleurs plusieurs interprètes qui ont joué dans Traces au Union Square Theatre - dont le duo formé de Mason Ames et Valérie Benoît-Charbonneau. On y retrouve également l'acrobate Xia Zhengqui, spécialiste du diabolo et des anneaux chinois.

Le spectacle se passe tout près des gens. Car il faut bien le préciser, il n'y a pas qu'une scène, mais trois. Dont la principale, circulaire, est au milieu de la salle. À l'occasion, les spectateurs sont invités à se rapprocher des artistes pour être aux premières loges au moment où ils vont exécuter leur numéro. En fait, pendant toute la durée de la soirée, les spectateurs sont sollicités par les artistes.

En tout cas, les spectacles multidisciplinaires immersifs semblent avoir la cote à New York.

«En ce moment, à New York, et un peu partout dans le monde, on voit apparaître de plus en plus de projets de théâtre immersifs, estime Christine Jones. Je crois que les New-Yorkais sont friands de ce genre d'expériences. Celle-ci est particulièrement ambitieuse parce qu'elle fusionne la mode, la gastronomie, le cirque, la danse et le théâtre. Je ne crois pas que les New-Yorkais ont déjà vécu une expérience semblable.»