Onze ans après sa création, le spectacle Varekai du Cirque du Soleil s'apprête à vivre sa nouvelle vie «en aréna». La Presse s'est entretenue avec le directeur de tournée Michael Veilleux et le directeur artistique Fabrice Lemire pour mieux comprendre les étapes de transformation de ce spectacle sous chapiteau en production d'aréna.

Il en va ainsi du cycle de vie des spectacles du Cirque du Soleil. Sauf exception, après 10 ou 12 ans de tournée sous chapiteau, les spectacles du Cirque sont transformés en productions d'aréna. Ils tourneront pendant encore quatre ou cinq ans avant d'être retirés de la flottille du Cirque. Un autre spectacle sous chapiteau sera créé, et ainsi de suite.

«Quand le spectacle commence sa vie en aréna, la tournée s'accélère, explique Michael Veilleux, qui vient de monter dans le train de Varekai comme directeur de tournée, après avoir dirigé celles de Saltimbanco et de Dralion. On passe d'une dizaine de villes par année à plus d'une quarantaine!»

Voyager léger

Le Cirque reste en moyenne une semaine dans une localité. Rarement plus. Parfois, la troupe peut visiter deux villes dans la même semaine. «On met 10 heures à monter la scène [par rapport à 10 jours en chapiteau! ] et moins de 5 heures à tout démonter, précise Michael Veilleux. C'est extrêmement rapide.»

Pour être plus mobile, le Cirque doit donc alléger la structure de ses spectacles. C'est la première conséquence de la conversion des spectacles sous chapiteau. Le nombre de camions passe de 60 à 18, selon le directeur de tournée. Il faut repenser aux éléments de décor, tout en conservant le concept des créateurs et l'effet wow des numéros.»

La forêt de bambous, élément principal du décor de Varekai avec ses 300 tiges de bois, a donc dû être repensée. «La perspective en aréna n'est pas la même, précise Michael Veilleux. Le nombre de spectateurs double. On passe d'environ 2500 personnes à près de 5000! Il y a donc des ajustements importants à faire.»

Valider le scénario

Le Cirque se trouve actuellement à Bossier, en Louisiane, pour concrétiser ce travail de transformation. Tant sur le plan créatif que technique. Une opération réalisée en deux semaines et demie à peine. Pour pouvoir faire ce changement en douceur, le directeur artistique de Varekai Fabrice Lemire s'est joint à la troupe il y a un an.

«On en profite pour réévaluer tout le contenu acrobatique du spectacle», détaille Fabrice Lemire, qui a dirigé le passage en aréna de Quidam. «Ça nous oblige à rediscuter avec le metteur en scène [dans ce cas-ci, Dominic Champagne], pour être sûrs que les thèmes du spectacle sont toujours clairs. Il faut revenir au scénario d'origine.»

Le mythe d'Icare

Au centre de cette histoire, on trouve le personnage de la mythologie grecque Icare, qui fait une chute spectaculaire après que ses ailes eurent été brûlées par le soleil. Dominic Champagne s'est inspiré d'une chute qu'il a lui-même vécue lorsqu'il réparait le toit d'un chapiteau. Un accident qui a bien failli le rendre invalide.

Dans l'adaptation de Dominic Champagne, Icare est accueilli par des créatures étranges (la Vigie, la Promise et le Guide), qui lui viennent en aide. «Peur, curiosité, désir; on joue beaucoup sur le thème de l'adaptation à une nouvelle société, indique Fabrice Lemire. À ce qu'il faut faire pour s'intégrer.»

Les numéros aériens

Les numéros aériens sont ceux qui nécessitent le plus de travail. «Ils doivent être complètement reconstruits, indique Fabrice Lemire. Contrairement à ce qu'on pourrait croire, les artistes de cirque ont moins de hauteur dans un aréna, notamment à cause de la passerelle. Il y a une perte de près de six pieds.»

Les numéros de cerceau, de sangles aériennes et de balançoires russes ont donc été ajustés. Que ce soit pour les sauts ou les atterrissages, plus rapides. «Il y a aussi des numéros qui vont gagner à être vus de plus loin, comme le numéro de surface glissante, réalisé par des acrobates au sol», ajoute Michael Veilleux.

Un seul numéro a été ajouté: celui d'une jeune artiste de cirque japonaise qui fait du bâton.

Une plus grande scène

L'espace de la scène (montée sur des roulettes) est plus grand. Une occasion d'intégrer les musiciens live sur la scène ou encore de laisser des appareils sur la scène, plutôt que de devoir les amener sur scène au fur et à mesure. Mais comme la scène n'est plus circulaire, il faut bien sûr trouver le moyen de bien encadrer la scène.

Deux aspects techniques de la production avantagent le spectacle, selon Michael Veilleux. Le raffinement des éclairages, grâce aux nombreux projecteurs mobiles qui créent des ambiances beaucoup plus subtiles. Mais aussi le système de sonorisation, qui augmente les possibilités des créateurs.

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Au Centre Bell du 20 au 30 décembre

La contrainte des clowns

La plus grande difficulté de la transformation de Varekai en production d'aréna concerne les deux clowns, selon Fabrice Lemire, le directeur artistique de Varekai. On perd l'intimité du chapiteau avec les numéros de clowns, qui établissent un contact direct avec le public, qui vont même se promener dans l'assistance. On travaille là-dessus actuellement, nous dit-il. «Même si on n'a que trois semaines pour mettre en place les changements, nous avons travaillé pendant six mois avec les équipes techniques et artistiques pour adapter le spectacle, se réjouit Fabrice Lemire. C'est un travail de dingue, mais ce que je vois sur scène est une révélation. Je trouve que le spectacle s'est vraiment bonifié.»

Photo Eitan Abramovich, AFP