Les frontières entre le théâtre, la danse, la performance et la musique ont tendance à fondre, c'est bien connu. Ce nouveau terrain de jeu met cette fois en vedette le duo suisse formé de Dimitri de Perrot et de Martin Zimmermann, qui ouvre la saison de la TOHU avec un spectacle qu'il croit être unique.

Le titre de la pièce n'est pas anodin. Il ne signifie pas «Jean était poilu» comme on pourrait le croire. Non, il s'agirait plutôt d'une expression suisse qui se traduit par «Jean comme Henri», une façon de dire qu'en fin de compte, c'est du pareil au même. Sommes-nous vraiment uniques? ont voulu savoir les créateurs. Est-ce qu'on se distingue vraiment les uns des autres?

Le duo formé du musicien Dimitri de Perrot et du clown et acrobate Martin Zimmermann en a fait le thème de sa huitième création, ironiquement qualifiée d'«unique». Un spectacle créé il y a un an et demi et qui a été joué près de 150 fois, en recevant un accueil extrêmement favorable. Une première nord-américaine pour les Suisses qui connaissent et affectionnent Montréal, où ils ont présenté Gaff Aff, il y a trois ans, à l'Usine C.

Comme il s'agit d'une pièce sans paroles, la musique revêt une grande importance. De la musique composée par Dimitri de Perrot, qui l'a gravée sur vinyle et la remixe sur scène. «Dès le départ, j'enregistre les spectateurs qui entrent dans la salle et qui se mettent à parler. Durant la première scène, je fais de la musique avec cet enregistrement. Déjà, la matière première du spectacle est le spectateur.»

L'approche musicale de Dimitri de Perrot a évidemment un lien avec le thème de la pièce. «On constate que les gens se ressemblent de plus en plus, explique-t-il. Qu'avec la globalisation, les cultures s'effacent, les identités pâlissent. Parce qu'au fond, on se réfère tous à des modes, des symboles et des idoles qui sont les mêmes dans le monde entier.»

«On se sent bien sûr rassuré par cette ressemblance, ajoute de Perrot. Parce qu'on se sent appartenir à une scène, à un groupe, à une tendance. Mais aussitôt après, on recherche notre individualité. On veut sans cesse se distinguer des autres. Donc, il y a toute une course absurde où on se mord la queue. À la fin, on ne sait plus tout à fait qui on est.»

Scénographie en mouvement

La scénographie en mouvement est l'une des signatures du duo. «Une scénographie qui change de forme et de situation, détaille Dimitri de Perrot, pour forcer les personnages à réagir, à sortir de leurs habitudes.» Dans ce cas, ils évoluent dans une immense structure pivotante formée de quatre cases, où les cinq personnages se révéleront à nous.

«Ce sont durant les moments d'urgence que les gens réagissent différemment, dit encore le musicien et co-metteur en scène. C'est là qu'on reconnaît l'individu, qu'il perd ce masque qu'on se donne tous pour se donner une allure. Quand tout d'un coup les choses dérapent, la vraie personnalité sort. Parce que la vie, c'est toujours un peu d'improvisation. Ce sont ces moments fragiles, d'insécurité, où les gens sont beaux et touchants. Ce sont ces moments qu'on veut faire ressortir.»

Acteurs et acrobates de Hans Was Heiri s'amusent également avec des cadres de toutes tailles. Parce qu'on cherche tous à rentrer dans un cadre? «Oui, absolument. On se demande aussi jusqu'à quel point on est objet. Qu'est-ce qu'on vaut comme humain? Comment on trouve notre place avec tout ce qui nous entoure? Mais à la fin, c'est aux spectateurs de voir ce qu'ils ont envie de voir.»

Ce terrain de jeu où tombent les frontières des diverses disciplines artistiques, comment le définissent-ils? «On appelle ça du théâtre parce qu'on n'a pas trouvé de meilleurs mots, répond Dimitri de Perrot, mais finalement, ce qui nous préoccupe, c'est le rapport frontal à ce lieu vide, cette black box qu'est le théâtre. C'est dans cet espace, face à un public, qu'on raconte notre histoire, même s'il y a des éléments de danse, de musique et de cirque.»

> À la TOHU du 1er au 13 octobre.