De retour après avoir surpris tout le monde il y a un an et demi lors du festival Montréal complètement cirque, le Cirque Alfonse investit la TOHU pendant tout le temps des Fêtes. Un choix logique, tant pour son côté éminemment festif que pour son ambiance de cabane de bûcherons et la musique traditionnelle qui lie le tout.

Avec Timber!, on est loin de l'esthétique léchée du Cirque du Soleil ou de l'élégance raffinée des 7 doigts de la main. La troupe de Lanaudière fait plutôt dans les teintes de brun, le lancer de la poche de patates et la bécosse en bois. Quand on danse la claquette, c'est avec des sabots, les garçons portent des bretelles et des combinaisons une pièce rouge ou blanche, et c'est un bâton de draveur qui sert de mât chinois ou de barre russe.

Malgré une touche de poésie et les musiciens ultra talentueux qui habillent merveilleusement la soirée de trad et de blues, le tout se déroule dans une atmosphère franchement virile qui sent la sueur. Voir ces trois barbus -Antoine Carabinier, Jonathan Casaubon et Guillaume Saladin, qui les domine tous d'une tête - sauter sur la table de bois franc, se lancer des défis à la planche sautoir gossée ou courir sur des billots comme des draveurs est électrisant et inusité.

Seul membre féminin de la troupe avec la musicienne Josianne Laporte, Julie Carabinier est l'élément séducteur mais aussi rassembleur du spectacle. La danseuse de formation lui insuffle son énergie particulière, et son numéro de cordes, donne une certaine légèreté à la soirée. Quant au grand-père Carabinier, du haut de ses 66 ans, il habite la scène et l'espace -carrément, puisqu'on le fait tourbillonner au bout d'un harnais et qu'il participe à un numéro de main à main- avec aplomb.

La grande force d'Alfonse est d'avoir su créer un univers unique en allant puiser dans la tradition sans avoir l'air ringard. La troupe prend le temps d'installer cette atmosphère et n'en déroge pas une seconde, offrant un spectacle cohérent et plus chorégraphié qu'il en a l'air. Si on peut lui faire un reproche, c'est d'étirer le début en cabotinant un peu -des blagues de bécosses, est-ce vraiment nécessaire après Elvis Gratton 3?-, avant d'entrer enfin dans le vif du sujet: le numéro de jonglerie avec des haches et celui où l'on se sert d'une longue scie souple comme d'anneaux chinois à travers lesquels les acrobates sautent. Des moments d'une intensité et d'une dangerosité à couper le souffle, suivis d'un numéro de main à main sur des bûches, avec les trois gars qui arrivent à faire des poses manifestement ardues - il est plus difficile de porter un homme musclé qu'une jeune femme de 125 livres.



Le soir de la première, mardi, la nervosité a fait rater quelques exécutions aux membres d'Alfonse, surtout en début de soirée. Loin d'être décevants, ces petits moments de faiblesse rendent encore plus exceptionnelles leur force et leur concentration, et nous font ensuite nous tenir sur le bout de notre chaise. Mais au-delà des performances, l'esprit de famille reste la marque de commerce d'Alfonse et on ressort de ce spectacle le sourire aux lèvres et le coeur réchauffé par ce noyau solide d'amitié, d'amour et de fidélité dont on aimerait faire partie. On les remercie de nous avoir invités à leur party.

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À la TOHU jusqu'au 31 décembre.