Le spectacle des finissants de l'École nationale de cirque de Montréal est devenu au fil des ans un rendez-vous incontournable, en raison de la qualité des performances. L'an dernier, plus de 20 000 personnes ont vu à l'oeuvre ces jeunes artistes de cirque libérés dans le «vrai» monde. Rencontre avec les trois metteurs en piste, Estelle Clareton, Howard Richard et Anthony Venisse.

Comme le veut la tradition, les 24 finissants de cette 30e cuvée de l'École nationale de cirque (ÉNC) ont été répartis en deux groupes. Le défi des metteurs en piste invités est énorme: construire en plus ou moins 25 jours deux spectacles originaux à partir des spécialités de chacun des élèves.

La danseuse et chorégraphe Estelle Clareton, qui est conseillère artistique à l'ÉNC depuis cinq ans, a conçu le premier spectacle, La flèche au coeur, avec le directeur de création de l'École, Howard Richard. Ensemble, ils ont identifié un thème, «la fin du monde et l'amour», puis ils ont remanié les numéros individuels et les duos des élèves pour qu'ils collent à leur histoire.

«On commence avec un numéro de mât chinois qui est assez dramatique, explique Estelle Clareton. À la fin, le mât tombe; il y a une sensation de catastrophe. Ça nous a fait penser au séisme en Haïti, au tsunami au Japon, puis on s'est dit, voilà, il n'y a plus rien après. C'est la page blanche. Tout est à refaire dans cette petite humanité. De ce vide, de ces cendres, l'amour émergera. C'est l'histoire d'une renaissance.»

Le fil conducteur est un personnage de clown, qu'on suit dans sa quête amoureuse, avec l'échaffaudage de tous ses fantasmes. «Au début, les membres de cette tribu ont perdu leur couleur, expliquent les metteurs en piste. Ils portent tous des complets noirs. Ils apparaissent comme les survivants d'un tremblement de terre ou d'un incendie. Ils sont sans vie, sans passion. Et, au fur et à mesure que le spectacle progresse, les couleurs apparaissent, le désir aussi. C'est la force de la vie.»

Pour La flèche au coeur, les 11 finissants alterneront entre numéros individuels et collectifs. La plupart des disciplines sont aériennes: trapèze, sangles, corde lisse, corde volante, tissu. À cela s'ajouteront un numéro d'équilibre et un duo de jonglerie assez cocasse.

Génération 2.0

Le deuxième spectacle, Génération 2.0, a été conçu par Anthony Vanasse, qui est aussi le metteur en scène des Minutes complètement cirque depuis trois ans. Pour Génération 2.0, il s'est entouré des collaborateurs Manuel Roque, qui signe toutes les chorégraphies du spectacle, et Félix Boisvert, responsable de la conception sonore.

«Je suis parti d'eux, explique Anthony Vanasse. Qui sont-ils personnellement? Mais aussi à quelle génération appartiennent-ils? Au fond, ils sont de la génération Y, qui est née avec le multimédia. Qui n'a pas connu le monde sans cellulaire, sans l'internet. En même temps je voulais parler de ces jeunes qui quittent l'enfance, pour passer dans le monde adulte. De ces Peter Pan qui refusent de grandir.»

Génération 2.0 explorera donc la vie des interprètes à travers le prisme d'un monde virtuel, où ils sont cernés par les nouvelles électroniques. «L'idée, c'était aussi d'opposer le virtuel au concret, au risque, à la vie, au coeur qui bat. Il ne faut pas oublier que ces artistes de cirque travaillent avec leur corps. Mais je voulais aussi parler de ce monde qui s'ouvre à eux avec leur sortie de l'école. C'est vraiment pour eux un saut dans le vide.»

Construit en trois actes, le spectacle traitera de ce monde de l'enfance un peu nombriliste où le jeu côtoie l'insouciance. L'histoire se poursuivra avec des tableaux plus baroques, où le metteur en scène tracera le portrait d'une génération un peu superficielle, un peu fashion, un peu hypersexualisée. Le troisième volet se concluera par l'accession à ce monde adulte.

Là encore, plusieurs disciplines aériennes seront mises en valeur. Sangles, trapèze, tissu, cerceau, corde, mât chinois, la 30e cuvée a, de toute évidence, un penchant pour les hauteurs. Des numéros de main à main et d'équilibre sont aussi au programme.

À la fin de cette première expérience, les 24 finissants seront laissés à eux-mêmes. Et feront ce fameux «saut» dans le vrai monde. On leur souhaite d'atterrir sur leurs deux pattes.

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La flèche au coeur et Génération 2.0 sont présentés en alternance du 29 mai au 10 juin à la TOHU.

Détails sur www.tohu.ca