À l'aube de la saison 2019 de la LNI, la direction artistique demande aux joueurs de revenir à l'essence du jeu en fuyant la facilité.

«Soit on acceptait de devenir folkloriques. Soit on décidait de donner l'exemple.»

À chacun de choisir son camp. Simon Rousseau, lui, a choisi le sien.

À quelques jours du début de la saison de la Ligue nationale d'improvisation (LNI), le directeur artistique de la Coupe Charade compte accentuer, si ce n'est accélérer, le virage amorcé l'an dernier dans le but de rapprocher l'institution québécoise de son aspect théâtral.

«J'ai le désir de voir la LNI aspirer à la recherche, au dépassement. Il faut qu'on soit le chef de file, pour ne pas simplement servir au public la soupe réconfortante qu'on a inventée», explique le comédien joint en France, où il est en tournée pour une pièce de théâtre jeunesse.

Dans l'oeil du public, ces changements seront peut-être subtils. Mais à l'arrière-scène, c'est une espèce de petite révolution qui se joue.

Alors que la LNI célébrait en grande pompe son 40e anniversaire au cours des dernières années, un constat assez dur s'est imposé: force était d'admettre que le bébé de Robert Gravel et d'Yvon Leduc avait vieilli.

Tout autour, les ligues et les nouvelles formules s'étaient multipliées, libérant l'impro de la patinoire et des claques, valorisant la construction avant le punch, l'audace avant la facilité.

À n'en pas douter, quelque chose clochait à la LNI, au moment même où l'Assemblée nationale reconnaissait unanimement l'improvisation théâtrale comme une discipline à part entière.

Or la clé était là. L'improvisation, oui. Mais théâtrale, surtout.

«Pour moi, on est beaucoup plus près du théâtre que de la variété», explique Simon Rousseau, directeur artistique de la Coupe Charade de la LNI.

«C'est l'acteur qui est au centre du jeu, encore plus que l'auteur ou le metteur en scène qu'on peut avoir en nous, ajoute-t-il. Je veux qu'on découvre toute la palette qu'on peut trouver chez les improvisateurs.»

Le changement de vision s'étend au choix des mots employés. On fait soudain la promotion du «théâtre spontané». La notion d'équipes fait maintenant place à celle de troupes, comme le font déjà depuis des années d'autres organisations à Montréal.

N'empêche, insiste Simon Rousseau, pas question de «dénaturer le spectacle». Le vote du public, la patinoire, les répliques assassines, les coups bien envoyés: les codes de la LNI sont là pour de bon.

Et c'est très bien ainsi.

Cohésion

La LNI elle-même a créé des formules périphériques au cours des dernières années, notamment en revisitant les classiques du théâtre et du cinéma, initiatives saluées par le public comme par la critique.

C'est d'ailleurs le succès de ces soirées thématiques que Simon Rousseau invoque pour «vendre» sa vision aux joueurs.

«Je les vois collaborer dans ces autres spectacles, où la compétition n'est pas au coeur du show. Je vois à quel point ils sont capables d'offrir un haut niveau de qualité.»

«Il n'y a pas de raison d'aborder un match de manière moins rigoureuse, moins investie. Je sais qu'ils peuvent jouer avec la même cohésion», dit-il.

La cohésion est d'ailleurs un thème fondamental dans le suivi qu'il fait avec les joueurs. Même si le spectacle demeure axé sur un indéniable affrontement sur la patinoire, tous les improvisateurs se réunissent avant les matchs ainsi qu'entre les périodes, afin d'ajuster ceci, de renforcer cela, de «chercher des couleurs qu'on n'a pas vues ou [de] resserrer le niveau de concentration qui commence à [fléchir]», énumère Simon Rousseau. D'ailleurs, celui-ci n'aborde pas la LNI comme cinq troupes (ou équipes) distinctes, mais bien comme une seule troupe de théâtre.

En réalité, assure-t-il, le travail a déjà été bien amorcé l'année dernière. L'heure est venue à ses yeux d'appliquer «une deuxième couche».

«Je pense qu'on a toujours offert de bons matchs, à cause de la grande qualité des joueurs, dit-il. Mais je ne veux pas qu'on se satisfasse d'un match, je veux qu'on donne un bon show d'impro.»

«Il faut qu'on mette la barre haut, qu'on ait de grands objectifs, quitte à être déçus, conclut-il. Au moins, on va bouger! Au pire, on ne sera pas capables de monter aussi haut qu'on voudrait. Mais on ne restera pas à terre.»

La Coupe Charade de la LNI s'amorce le 11 février au Club Soda. Les improvisateurs sont essentiellement les mêmes que la saison dernière. Seul l'humoriste Arnaud Soly, qui était réserviste, a été promu joueur régulier.