Moins d'un an après avoir mis en scène la cérémonie de clôture des Jeux olympiques de Sotchi, Daniele Finzi Pasca, bien connu pour ses spectacles acrobatiques à grand déploiement, nous revient avec une pièce intime écrite pour deux interprètes.

Le metteur en scène suisse-italien, Daniele Finzi Pasca, est généralement associé à des projets artistiques de grande envergure.

Outre les cérémonies des Jeux olympiques de Turin et de Sotchi, le metteur en scène natif de Lugano a mis en scène l'opéra Aïda au Théâtre Mariinsky de Saint-Pétersbourg, signé un hommage à Dalí dans la pièce acrobatique La vérità et créé des spectacles de cirque remarquables avec le Cirque du Soleil (Corteo) et le Cirque Éloize (Nomade, Rain, Nebbia).

Pourtant, chaque année depuis 20 ans, il continue à présenter son spectacle solo Icaro, l'un des récits les plus touchants sur l'amitié et la création, interprété par l'acteur et metteur en scène avec la complicité d'un spectateur. Finzi Pasca vient justement de terminer une série de 15 représentations qui l'ont mené en Suisse, en Hongrie et aux États-Unis. En janvier, il sera au Mexique...

« Icaro est un spectacle d'une grande simplicité, qui a eu un énorme impact et qui continue à remplir des salles, nous dit Daniele Finzi Pasca. C'est important pour moi de continuer à le présenter. Ces petites formes nous permettent de ne pas perdre de vue l'essentiel des choses et de s'observer. »

Réinventer ses souvenirs

Bianco su Bianco (« blanc sur blanc ») a été conçue dans ce même esprit de simplicité et se réfère à notre mémoire évanescente.

« Comme lorsque nous marchons dans la neige, illustre Finzi Pasca, on laisse des empreintes blanches sur un fond blanc et, rendus à une certaine distance, on perd de vue la présence même de ces traces... En fin de compte, les souvenirs sont très éphémères. Il faut toujours les réinventer. C'est comme si on écrivait à l'encre blanche. Ils sont là, mais ils sont invisibles... »

La pièce interprétée par Helena Bittencourt et Goos Meeuwsen, deux artistes pluridisciplinaires qui ont jadis travaillé avec le Cirque du Soleil (et qui forment aujourd'hui un couple), a déjà été présentée une quinzaine de fois en Suisse, à Bellizona et en France. Mais ne vous attendez pas à voir des numéros de cirque. Il s'agit d'une performance théâtrale, avec des touches de jeu clownesque.

« Notre préparation est très physique, mais ce n'est pas un spectacle de cirque », insiste Finzi Pasca, qui a lui-même entamé son parcours comme gymnaste.

« Nos personnages ne font pas de la bouffonnerie, poursuit-il. Leur jeu clownesque est plus proche du polichinelle italien, poète, philosophe et jongleur d'idées, dans l'esprit de Dario Fo. Ils établissent une relation avec le public en jouant à l'avant-scène, dans cette zone juste devant le rideau, qui permet ce dialogue. Notre théâtre a besoin de cet espace, parce qu'on a besoin du public. »

Comme il l'avait fait dans Rain, Daniele Finzi Pasca s'est inspiré des histoires de son quartier, à Lugano, pour créer Bianco su Bianco.

« C'est l'histoire d'un jeune homme et de tout un quartier qui l'a vu grandir, détaille-t-il. Un homme qui a eu une enfance tourmentée, marquée par la violence et qui, à travers une histoire d'amour, trouvera une échappatoire. Tout à coup, il deviendra nécessaire à quelqu'un d'autre, ce qui lui permettra de vaincre ses monstres. Au début, on ne sait pas trop qui ils sont, mais l'histoire se précise au fur et à mesure. »

Une forêt de lumières

L'équipe de créateurs est la même qu'à Sotchi: Julie Hamelin à la création, Hugo Gargiulo à la scénographie, Giovanna Buzzi aux costumes, mais Daniele Finzi Pasca, tout en travaillant dans la simplicité, a voulu amener quelque chose d'un peu grandiose au spectacle... L'immense forêt de lumières de la cérémonie de clôture des Jeux a ainsi été adaptée à Bianco su Bianco.

Chacune des 300 lampes reliées par 7 km de câbles (!) est en dialogue avec les acteurs. « Elles amplifient leurs émotions, précise Daniele Finzi Pasca. Comme dans tous mes spectacles, les lieux ne sont pas clairement définis; nous sommes comme dans des lieux suspendus dans le temps, afin de permettre à chacun d'entrer dans ses propres lieux mythiques. »

Finzi Pasca, qui a toujours un pied-à-terre à Montréal, et qui sera l'une des compagnies résidantes du nouveau complexe culturel Lugano Arte e Cultura (LAC) dès le printemps prochain, a créé Bianco su Bianco au fil des derniers mois en faisant des répétitions publiques, une approche également privilégiée par le metteur en scène Robert Lepage.

« Je suis tombé amoureux du théâtre en regardant les coulisses d'un spectacle, confie le metteur en scène. D'avoir un endroit où l'on peut s'asseoir pour voir comment les acteurs répètent, ce qu'ils sont en train de faire, ça peut surprendre et c'est très intéressant. De notre côté, celui des créateurs, ça nous permet de construire le spectacle à travers ce regard-là. »

À la Cinquième Salle de la Place des Arts du 19 au 29 novembre.