«Cette chose plus compliquée est plus confondante que l'harmonie des sphères: un couple.» Cette citation du romancier Julien Gracq pourrait être d'Evelyne de la Chenelière. La dramaturge et comédienne évoque la lente désagrégation d'un couple, dans La concordance des temps (Leméac 2011).

Evelyne de la Chenelière joue en duo avec James Hyndman dans l'adaptation théâtrale de son roman, créée et dirigée par Jérémie Niel, à l'affiche encore trois soirs seulement à l'Usine C. Une matière a priori pas vraiment théâtrale. Si Niel a fait un fait un bel effort pour théâtraliser l'oeuvre, avec sa mise en scène esthétique et léchée, le résultat ne nous a pas entièrement convaincu.

La scène s'ouvre avec une femme assise à la table d'un resto, dans l'attente de l'arrivée de son conjoint, «toujours en retard». Celle-ci nous transmet le flot épars de ses pensées en dévorant une salade. Lui tarde en chemin. Il est aussi pris avec ses émotions contradictoires. Par le vertige de leur relation fusionnelle. Car l'homme a décidé de se séparer de sa femme qui voudrait continuer la relation; allant jusqu'à avancer que «la séparation illustre un grand manque d'humilité»...

Or, plus cette femme essaie de nommer les choses, «plus le monde devient flou» à ses yeux. Malgré leur amour, on comprend qu'ils sont demeurés étrangers l'un envers l'autre.

Intense et déroutant

Pièce sur «le vertige métaphysique de notre finitude», La concordance des temps est un objet scénique intense et déroutant. Pas évident de suivre le drame intime des deux protagonistes dans le dédale de leurs fugitives pensées.

Alors que la clarté et la simplicité auraient sans doute aidé à nous rapprocher du propos, Jérémie Niel en rajoute: trame musicale omniprésente, plusieurs effets sonores et d'éclairages, retours en arrière, juxtapositions scéniques, noirs et silences s'immisçant dans la logorrhée des deux amoureux, etc. Niel se pointe même à deux reprises sur la scène pour interrompre brièvement le récit. Résultat, il est très difficile de nous identifier à ce couple ou à leurs inquiétudes existentielles.

James Hyndman et Evelyne de la Chenelière donnent par ailleurs une bonne performance. Mais la proposition confondante nous empêche de ressentir toute la chimie dans le couple.

Au bout du compte, cette production de la compagnie Pétrus se regarde avec plus de curiosité que d'intérêt. Reste que cet objet théâtral possède plusieurs qualités. Pour amateurs avertis ou fans du travail de Jérémie Niel.

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À l'Usine C, du 10 au 13 décembre.