Stéfan Cédilot est auteur et metteur en scène de théâtre. Quand il a eu l'idée de faire des one-man-shows sur le rock, il a voulu recruter un vrai acteur, mais ses amis l'en ont vite dissuadé: « Fais-le donc toi-même. T'es pas un acteur? Présente-toi comme Stéfan Cédilot, le fan. »

Tellement fan, le Stéfan, que c'est pour monter un show sur son groupe rock préféré qu'il s'est inscrit en maîtrise à l'École supérieure de théâtre de l'UQAM en 2006. En complément de son mémoire sur la théâtralité dans le concert de U2, il y a créé All I Want Is U2 dont il présente une version revue et corrigée ces jours-ci dans le cadre de Zoofest.

S'il avait payé de sa poche pour monter son show de maîtrise, ce travailleur social à temps partiel estime qu'il lui en aurait coûté un demi-million. "À l'UQAM, on a réussi à avoir accès à certaines bébelles que U2 utilise dans des stades », dit-il avec une lueur dans le regard.

Le décor, gigantesque pour une production universitaire, fusionnait des éléments de tous les spectacles de U2: le coeur de la tournée Elevation, les tours métalliques et les écrans de Zoo TV, les drapeaux blancs et le tapis rouge de War, des éléments miniaturisés de la scénographie futuriste et kitsch de Pop Mart...

«On a été un peu cons parce qu'on ne pouvait pas jouer le show après, raconte Cédilot qui a également monté des spectacles sur Led Zeppelin et les Sex Pistols avec son associé Ben Kalman. Quand on l'a repris deux ans plus tard au théâtre MainLine, il fallait payer nous-mêmes, donc on a réduit la scénographie et j'ai réécrit les deux tiers du texte. Au Zoofest, le texte de maîtrise a disparu complètement. On casse la chronologie du groupe et ça devient du personnel, des anecdotes, mon parcours. On a fini par évacuer tout ce qui n'avait pas été marquant dans ma vie.»

Je rencontre Cédilot dans son local de répétition à l'UQAM. Autour de lui sont disposés des verres fumés semblables à ceux de Bono et un minimum d'accessoires miniaturisés dont des soldats que des étudiants en scénographie ont transformés en Bono, The Edge, Adam Clayton et Larry Mullen Jr à l'époque de la tournée Pop Mart. Sur scène, s'ajouteront trois écrans de télé sur lesquels défileront des extraits de spectacles de U2.

«Stéphanie [Pelletier, metteuse en scène], manipule le drummer et le bassiste pendant que je joue avec The Edge et Bono. On fait les tounes à bouche, ça donne tarararatarara wouin wouin looking for to save my, save my soul. C'est la grande ironie: on fait le spectacle le plus technique de U2 à bouche avec de petits bonshommes.»

Créé en anglais - «J'ai craché le texte en anglais en pensant qu'on me dirait: «T'es malade, on est dans une université francophone, traduis-moi ça!»«- All I Want Is U2 a été joué deux fois cette semaine dans sa nouvelle mouture au théâtre Sainte-Catherine.

Pour la toute première fois, Cédilot va le jouer en français (Le U2 Show) lundi, mardi et mercredi au même endroit. « C'est le même texte traduit en français, mais ça donne un tout autre feeling. Comme je parle de moi, un fan québécois de U2, ça peut se faire en français.»

Cédilot a découvert U2 avec l'album The Joshua Tree, mais c'est quand il a vu le spectacle Zoo TV au Forum, en 1992, qu'il est devenu un fan fini du groupe. « La plupart de mes amis ont décroché quand ils ont vu Bono jouer à la rock star avec ses verres fumés. J'étais le seul de ma gang à dire: « Ben non c'est de l'ironie, c'est génial. «C'est le moment qui m'a confirmé l'intelligence de U2, où il a cessé d'être un simple groupe rock.»

Pourquoi paierait-on pour aller voir un gars raconter sa passion pour U2? «Parce que ça parle du fait d'être un fan de musique et de la façon dont ça évolue, répond Cédilot. Quand tu as 40 ou 50 ans et que ton groupe préféré d'adolescence est encore là, qu'il sort des albums, que tu peux aller le voir en show, ta perception a probablement changé. C'est un peu là-dessus qu'on joue. Stéphanie a mis en scène plusieurs Stéfan: le fan ado, le fan dans la vingtaine, le musicologue avec une maîtrise sur U2 dans le corps, beaucoup plus froid, objectif.»

Cédilot reconnaît du bout des lèvres que U2 vit depuis des années sa phase "greatest hits« comme les Stones ou Bon Jovi. «Mais pour moi, ils n'ont rien fait de nul. Ça me fascine parce que chaque album des années 2000 est un retour à un album précis des années 80.»

C'est le fan qui parle.