Le mur de Berlin est tombé, mais bien d'autres remparts s'élèvent entre les peuples. L'affiche, de Philippe Ducros, explore les impacts du conflit opposant Israéliens et Palestiniens des deux côtés de la barrière qui les sépare.

L'imaginaire de Philippe Ducros est hanté par la politique et les conflits armés. Il a écrit une pièce où il est question du massacre de Srebrenica (Diapodiaspora) et une autre qu'il situe dans une future guerre civile chinoise (2025). Quelques mois après sa création en France, il met lui même en scène la pièce L'affiche, qui s'intéresse à l'impact de l'occupation des territoires palestiniens par Israël.

 

«Je suis un gars qui s'est formé sur les routes en tant qu'humain et en tant qu'artiste. J'en ai développé une vision du monde, expose le jeune homme de théâtre, qui a séjourné dans une vingtaine de pays d'Amérique, d'Europe, d'Afrique et d'Asie. J'ai vraiment l'impression qu'en parlant du conflit israélo-palestinien, je parle de moi, de mes préoccupations, de mes inquiétudes par rapport au futur.»

L'affiche découle de sa participation, en 2004, à une résidence d'écriture en Syrie organisée par un organisme français, Écritures vagabondes. Déjà intéressé par la situation politique du Moyen-Orient, il avait pris les devants et passé deux semaines au Liban avant de rejoindre le pays voisin.

Par la suite, il est retourné cinq fois dans la région. Au Liban et en Syrie - où une version préliminaire de L'affiche a été jouée et publiée en arabe en 2005 -, mais aussi en Israël, en Égypte et en Cisjordanie. «Ça m'a permis de mieux comprendre la région», assure-t-il.

Philippe Ducros peut en effet discuter dans le détail de la situation politique au Liban et en Palestine, multiplier les observations sur l'évolution des appuis témoignés au Hamas ou au Hezbollah et tirer des conclusions des différentes offensives israéliennes depuis 2006. Sa sympathie pour la cause palestinienne est facile à deviner.

«La neutralité, pour moi, revient à prendre le parti de l'occupant, dit-il. Je pense qu'il faut dénoncer l'occupation et ses rouages. Qu'il faut le dire, mais ne pas être cave et ne pas faire dans le manichéisme. Et je trouve que le théâtre, que l'art est un moyen pertinent pour engager la réflexion.»

Sa pièce L'affiche veut en effet montrer les deux côtés de la médaille. Ou plutôt les deux côtés du mur. Salem, jeune réfugié palestinien, tombe sous les tirs israéliens. Or, l'homme qui imprime les affiches de martyrs est son père. Philippe Ducros suit les personnes affectées par cette mort: la famille de Salem et celle d'Itzhak, le soldat qui a appuyé sur la détente.

«J'essaie de ne condamner personne. C'est sûr que je condamne l'occupation, mais pas les personnages qui en font la promotion», précise le dramaturge. Il veut amener les spectateurs a réfléchir sur la propagande et la radicalisation religieuse, des deux côtés du mur. Tout ça à la faveur d'une suite de scènes rapides - la pièce en compte une soixantaine - qui exploite à la fois les ellipses et les effets de simultanéité.

L'art, et le théâtre en particulier, constituent selon lui un moyen vivant d'aller à la rencontre de ces gens-là et de voir au-delà des concepts qui régissent leurs vies. «C'est une manière de se rendre jusque dans leurs émotions, de réfléchir à ces parcours humains», estime Philippe Ducros.

«D'après moi, la pièce permet d'avoir accès à l'humanité derrière ce conflit, derrière l'occupation, poursuit-il. Ce que j'espère, c'est que, après, quand les gens vont voir les nouvelles télévisées ou lire des reportages, ils auront l'impression de pouvoir mettre des visages sur les statistiques.»

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L'affiche, du 1er au 19 décembre, à Espace libre.