Sur les glaces du Labrador, présenté en ce moment à l'Agora de la danse, marque la première collaboration entre Sarah Chase et Montréal Danse. Quelle bonne idée de jumeler cette chorégraphe avec cette compagnie! Le travail de Chase, qui ensorcelle son public avec une alchimie unique entre gestes et paroles, tombe parfaitement dans les cordes de Montréal Danse, reconnue tant pour son répertoire original et accessible que pour la polyvalence de ses danseurs. Le résultat de cette rencontre est d'ailleurs enchanteur.

Fine observatrice des petits miracles de la vie, Chase est allée puiser à même les souvenirs et l'histoire personnelle des danseurs de Montréal Danse pour créer Sur les glaces du Labrador. Or, c'est la première fois que Chase chorégraphie pour un grand groupe. Elle a commencé sa carrière comme soliste, fouillant sa vie (Lamont Earth Observatory, Muzz) ou relatant même, à travers son propre corps, les histoires de purs étrangers (Birds). Si l'aventure à sept danseurs s'avère périlleuse, Chase s'en tire avec brio. Elle prend soin d'échafauder avec Sur les glaces du Labrador un récit à forte teneur personnelle. Les danseurs, qui prennent la parole à tour de rôle, dévoilent peu à peu des secrets intimes. Ainsi, Annik Hamel révèle que son père, pilote de ligne, l'emmenait voler pour lui faire découvrir les aurores boréales.

Benoît Leduc, petit, se prenait pour un shogun, allant même jusqu'à coucher sur un tapis de paille. On apprend du même souffle que, depuis l'enfance, Benoît est diabétique. Chez Chase, la douceur de l'enfance côtoie souvent le tragique, de manière désarmante. Or, Annik confie que son frère, pilote de brousse, est aussi atteint de diabète juvénile, et que ce même frère vole au Labrador, là où le grand-père de Frédéric Marier a, jadis, porté secours à des aviateurs en détresse.

Ce sont ces coïncidences qui font la beauté de Sur les glaces du Labrador: à mesure que Dominic Caron, Maryse Carrier, Annik Hamel, Rachel Harris, Benoît Leduc, Manon Levac et Frédéric Marier se confient et que leurs histoires personnelles se recoupent. En outre, Chase, ethnologue de la vie privée, sait habilement déterrer ces hasards, qui deviendront les accents dramatiques de sa chorégraphie. Déjà attaché aux danseurs en tant qu'individus, le spectateur s'en trouve davantage interpellé.

Il y a toutefois quelques bémols. Les premiers instants de la chorégraphie sont un peu anarchiques, et les mouvements des danseurs n'ont apparemment aucun lien avec ce qui sort de leur bouche. En fait, les interprètes esquissent les gestes lors du processus de création, quand leurs souvenirs remontent à la surface. La gestuelle finit néanmoins par s'apparenter à une musique qui donne du souffle aux récits.

Lorsque Chase danse, le résultat est hypnotique. Mais c'est un exercice de coordination exigeant, même pour des danseurs de la trempe de ceux de Montréal Danse. Or, si certains, notamment Annik Hamel et Maryse Carrier, s'en tirent parfaitement, d'autres semblent hésiter à plonger à fond dans ce dévoilement intime. Parions cependant qu'ils deviendront de plus en plus à l'aise au fil des représentations.

Sur les glaces du Labrador de Sarah Chase et Montréal Danse, jusqu'au 20 septembre à l'Agora de la danse.