Il n'y avait pas de chiens renifleurs, d'appels à la bombe ou de Neil Young hier soir à la salle Wilfrid-Pelletier. Le concert de Crosby, Stills&Nash (CSN) différait passablement de ceux de la dernière tournée (arrêtée à Ottawa mais pas à Montréal).

Après une succession de pamphlets musicaux anti-Bush, inspirée largement de l'album Living With War, de Neil Young, CSN retourne maintenant aux sources.

Une foule composée en bonne partie de têtes grises, et plutôt tranquilles, accueillait un des derniers groupes survivants de Woodstock.

Les vieux amplis brun et vert délavés semblaient d'ailleurs directement importés de la même époque que la grande majorité des pièces interprétées hier, soit entre la fin des années 60 et le milieu des années 70.

Un groupe de cinq musiciens accompagnait CSN. Stills, vêtu d'un complet noir, Nash, nu pieds et Crosby, en jeans ouvrier, reposent chacun sur leur propre tapis, devant leur micro.

C'est par leurs harmonies vocales berçantes et envoûtantes qu'ils ont marqué leur génération. Ces harmonies continuaient d'enchanter hier, comme le prouvent les versions de Déjà Vu et de Helplessly Hoping. Certes, la voix de Stephen Stills vieillit mal, et celle de Graham Nash paraît moins assurée. Bizarrement, le seul dont le timbre angélique résiste au passage du temps est David Crosby, celui qui a aussi mené la vie la moins chrétienne.

Rien de très grave toutefois pour les autres. Stills se rachète avec son jeu de guitare, autant par ses riffs «piqués à Bo Diddley» de Isn't It About Time que par ses solos cristallins dans Military Madness. L'émotion ressentie est plus sobre que la hargne déchirante qui s'échappe des guitares à accord ouvert (open tunning) de Neil Young. Différent, mais tout de même puissant.

«Voici une chanson dont nous sommes fatigués. Nous ne devrions plus avoir à la jouer», a lancé David Crosby avant d'entonner Military Madness, composition de Graham Nash qui dénonçait la guerre en 1971, et qui la dénonce encore aujourd'hui.

Crosby s'est permis de lancer quelques flèches en mi-parcours à son ami W. «Le plus longtemps que ce chimpanzé reste dans la Maison-Blanche, le plus intelligent vous paraissez».

La bande a aussi offert une nouvelle pièce, Lay Me Down, écrite par Nash et pas encore endisquée. Pour le reste, il s'agissait de vieux matériel, joué très joliment, mais sans la magie des vieilles années.

La communion des voix, on la ressentait surtout quand les trois comparses jouaient sans leurs musiciens accompagnateurs, comme dans Guinnevere (Nash-Crosby).

CSN n'a pas oublié de vieux succès, gardant pour la fin les Wooden Ships et Teach Your Children, que nous avons raté à cause de l'heure de tombée.

La bande a passé l'âge de jouer aux amuseurs de foule. Le trio parle peu, mais son humour pince-sans-rire séduit encore. «Selon une étude de votre gouvernement menée entre 1969 et 1973, 35 % des femmes en Amérique du Nord ont perdu leur virginité pendant cette chanson», assurait David Crosby. S'il le dit...