Bettye LaVette ne l'a pas eue facile. Promise à une belle carrière de chanteuse au début des années 60, elle est presque aussitôt tombée dans l'oubli. Il a fallu l'intervention de fans tenaces pour qu'elle récolte enfin, 40 ans plus tard, une partie du succès qu'elle a si longtemps attendu.

Bettye LaVette ne l'a pas eue facile. Promise à une belle carrière de chanteuse au début des années 60, elle est presque aussitôt tombée dans l'oubli. Il a fallu l'intervention de fans tenaces pour qu'elle récolte enfin, 40 ans plus tard, une partie du succès qu'elle a si longtemps attendu.

À 16 ans, Bettye LaVette voyait l'avenir en rose. Son premier 45-tours, My Man - He's a Loving Man était dans le top 10 du palmarès rhythm & blues en 1962 et tous les espoirs étaient permis. Ont suivi une série de chansons qui ont tourné, mais n'ont pas obtenu le même succès. Pourtant, son talent n'a jamais fait de doute. En 1972, la compagnie Atlantic lui a offert le prestigieux studio Muscle Shoals, en Alabama, et son solide noyau de musiciens maison (Barry Beckett, David Hood, Jimmy Johnson et Roger Hawkins) qui a travaillé avec la crème de la crème, de Wilson Pickett et Aretha Franklin à Paul Simon et Traffic.

Mais cet album, Child of the Seventies, Atlantic ne l'a jamais sorti, pour des raisons que Bettye LaVette ignore encore à ce jour. «Je voulais tellement rencontrer Ahmet Ertegun (le fondateur d'Atlantic) à la cérémonie des Rhythm and Blues Foundation Awards pour lui poser la question, mais il est mort quelques semaines plus tôt», dit-elle en entrevue téléphonique.

Par la suite, Bettye LaVette n'a rien enregistré avant les années 80 et ses disques sont passés inaperçus. Elle a continué à faire de la scène, sans tambour ni trompette, et ce n'est qu'au début du nouveau millénaire que sa résurrection s'est amorcée.

Des fans allemands et néerlandais ont relancé sa carrière et un admirateur français particulièrement tenace, Gilles Pétard, a fouillé dans l'entrepôt d'Atlantic à New York où il a retrouvé la matrice de l'album Child of The Seventies, que l'on disait disparue. Depuis 2003, elle a lancé trois albums, dont le plus récent, The Scene of the Crime, a été enregistré avec le groupe Drive-By Truckers, dont fait partie Patterson Hood, le fils du pilier de Muscle Shoals.

Heureuse et soulagée

Aujourd'hui, Bettye LaVette ne roule pas sur l'or, mais elle est invitée au talk-show de Conan O'Brien et elle a même chanté au chic Lincoln Centre de New York l'hiver dernier. «Une soirée superbe, dit-elle. La salle était pleine et le New York Times a écrit de belles choses sur mon concert. J'étais vraiment sous le choc et le lendemain matin, je m'en allais à la cérémonie des Grammys.»

Bettye LaVette est heureuse, mais surtout soulagée. «Je craignais de vieillir dans l'anonymat, complètement fauchée. Aujourd'hui, je peux prendre une grande respiration», dit-elle avec un rire spontané qui ponctue souvent ses réponses.

Comment expliquer qu'elle ne se soit pas découragée pendant toutes ces années? Est-ce l'appui de sa famille, de ses proches?

«C'est surtout à cause des fans, répond-elle. Ma famille m'entourait, évidemment, mais personne ne va dire à quelqu'un de 55 ans de ne pas se chercher un emploi et de persister dans l'espoir de devenir une star (rires). Tandis que mes fans m'ont même donné de l'argent pour que je n'aie pas à me trouver un boulot!»

Bettye LaVette ne s'en cache pas, elle enviait ses contemporains, comme Aretha Franklin et le regretté Otis Redding, qui avaient connu du succès. «Oh, je les enviais tous! Je connaissais tous ces gens personnellement, nous étions tous ensemble à une certaine époque. Si tout le monde avec qui tu travailles tous les jours devenait immensément riche mais pas toi, tu aurais sûrement un complexe!»

Elle se souvient d'avoir chanté au Club Soda, où on la reverra ce soir: «C'était il y a cinq ans. On a donné un bon show et tout le monde était tellement gentil. Ils ont fait comme si on jouait là tous les week-ends!»

Bettye LaVette, au Club Soda, ce soir, 19h.