Parmi les personnalités publiques qui ont poursuivi leur agresseur, Nathalie Simard est l'une des plus connues au Québec. Et c'est arrivé à une autre époque, bien avant la vague de dénonciations des dernières années. Parce qu'elle connaît bien le sujet et qu'elle veut continuer de pousser à la roue pour poursuivre le changement des mentalités qui s'opère, elle a créé Je veux vivre, à la fois un projet de conférences, un livre et un album.

Les dernières fois que nous avions entendu parler de Nathalie Simard, les nouvelles étaient peu réjouissantes, entre autres avec la fermeture de sa cabane à sucre. Comme si, au fil de toutes ces années, elle n'avait jamais réussi tout à fait à sortir la tête de l'eau, à trouver sa lumière.

Lorsque nous lui avons fait part de notre réflexion, au lancement de Je veux vivre, mardi dernier, en compagnie d'une centaine de femmes et d'hommes, elle a dit comprendre que les nouvelles que nous recevions depuis quelques années n'étaient pas les plus encourageantes. «Mais aujourd'hui, je suis très heureuse. Toutes mes passions sont sollicitées. La musique, la scène, le partage», a affirmé Nathalie Simard, lumineuse.

Devant son public du moment, qui comptait des gens qu'elle appelle des «survivants», elle a applaudi le courage de ceux qui ont dénoncé des violences sexuelles au cours des dernières années. «Nous sommes une armée... et cette armée se multiplie dans tout le Québec», a dit avec fierté Nathalie Simard, qui aura bientôt 50 ans.

«On fait des pas de géant en ce moment, c'est émouvant.»

Il y a 15 ans, bien avant #agressionnondénoncée et #metoo, la chanteuse s'est tournée vers la justice pour dénoncer son agresseur. Et elle a gagné. Alors que de nombreuses victimes, dont quelques-unes des Courageuses, expriment sur la place publique leur méfiance et leur déception face au système de justice, qu'en pense Nathalie Simard? «Il faut dénoncer. Il faut continuer de dénoncer », répond-elle. Et ce, même si la justice « n'est pas faite pour les victimes».

«C'est sûr que j'ai été chanceuse, parce que j'ai pu le piéger. J'ai pu aller chercher une preuve vidéo où il avouait tous ses crimes et se définissait comme un monstre. C'est ce qui a fait foi de tout. Sans ça, je serais probablement au même rang que les Courageuses.»

Pour convaincre le juge, elle dit qu'elle a eu la chance d'avoir une excellente procureure (Me Josée Grandchamp) et de bons enquêteurs. «Une chose que je sais, avec laquelle je suis certaine, c'est qu'un paquet de procureurs désirent aller devant le juge pour défendre la victime. Ma procureure a fait toute une job! Elle a dit aux enquêteurs: "Allez me chercher une vidéo, sinon elle est morte, la petite... je ne pourrai rien faire pour elle." Et nous sommes allés chercher la vidéo!»

Sauf qu'avec tous les témoignages qu'elle a entendus ces dernières années, elle sait bien que ce ne sont pas toutes les victimes qui ont cette chance. Les procureurs et enquêteurs ont beau être compétents, ils ne peuvent faire l'impossible. Il faut des preuves pour réussir à convaincre le juge d'un crime «hors de tout doute raisonnable». «Et ça, c'est difficile d'y arriver. C'est un des crimes les plus difficiles à prouver. Dans bien des cas, les agresseurs s'en sortent trop bien. Alors que la victime doit se défendre, l'agresseur se tourne les pouces en attendant qu'elle dise la phrase qui pourra semer un doute dans la tête du juge», avance Nathalie Simard.

Elle applaudit d'ailleurs l'initiative des trois députées Véronique Hivon, Hélène David et Christine Labrie et de la ministre Sonia LeBel de créer un tribunal spécialisé dans les crimes sexuels.

La trilogie Je veux vivre

C'est entre autres de ces sujets qu'elle parlera au cours des conférences Je veux vivre qu'elle offrira un peu partout au Québec avec Sylvie Morin, directrice de La Bouée, une maison d'hébergement pour femmes victimes de violence conjugale et leurs enfants. Elles souhaitent faire de la sensibilisation et prévenir toutes les formes de violence en fournissant notamment de l'information sur l'aide que les victimes peuvent recevoir, les démarches à entreprendre pour dénoncer, etc. «On va leur expliquer leurs droits, pourquoi ils devraient parler... il y a tellement de sujets dans cette conférence. Mais le but est de conscientiser la société à tous ces crimes. Mon but est de donner de l'espoir à tous ceux qui vivent ça», clame Nathalie Simard.

Il est aussi possible de se procurer un livre écrit par Ginette Latulippe qui donne de l'information aux victimes et, surtout, qui présente 23 témoignages dont celui, troublant, de Mara Joly qui explique ce qu'elle a fait pour se guérir. Cette dernière a entre autres réalisé le court métrage Pour vrai dans l'espoir d'éradiquer la culture du viol. «Après le visionnement de mon film, des hommes réalisaient qu'ils avaient déjà agressé sexuellement ou violé des partenaires. Certains appelaient des femmes qu'ils avaient agressées des années auparavant pour s'excuser», lit-on dans son témoignage.

«Des abuseurs m'ont écrit pour me dire qu'ils n'étaient pas conscients du mal qu'ils avaient fait. Il y en a beaucoup comme ça», témoigne aussi Nathalie Simard.

Bref, les sujets abordés dans ce livre et cette conférence sont nombreux. Et puisque Nathalie Simard se définit avant tout comme chanteuse, elle offre aussi l'album Je veux vivre, avec de nouvelles compositions «en partie autobiographiques» et qui abordent aussi ces sujets.

Il sera d'ailleurs possible d'entendre Nathalie Simard chanter au cours des conférences. «J'ai l'impression qu'on va faire notre petit bonhomme de chemin avec ça», dit-elle en souriant.

«Nous sommes quand même loin de La danse des canards, hein?», a-t-elle lancé au public conquis, à deux reprises.

Pour en savoir plus sur la conférence Je veux vivre, vous pouvez visiter le site web de La Bouée: https://www.labouee.com/