Ses musiciens le respectent, le public le vénère, Kent Nagano est une star. Son horaire est extrêmement chargé. Chaque minute compte. Maxime Lataille s'occupe de son agenda et de sa correspondance. Il travaille 75 heures par semaine. Le reste du temps, il est sur appel. Il n'hésite pas à comparer «Maestro» - comme tout le monde l'appelle - à Céline Dion.

Nagano est l'antithèse de son prédécesseur, le fougueux Charles Dutoit, qui entretenait une relation orageuse avec ses musiciens.

«M. Nagano est très gentil, très poli, précise Maxime Lataille. Il dit toujours s'il vous plaît et merci.»

Poli et gentil, sauf quand on lui demande son salaire, une question qui le fait sortir de ses gonds.

L'entrevue a duré 15 minutes. Elle s'est déroulée dans un minuscule local sans fenêtre, une sorte de débarras, au Victoria Hall de Genève, une heure et demie avant le concert.

Pourquoi avez-vous choisi de diriger un orchestre?

La vie n'est pas aussi claire. Je n'ai pas pris la décision de devenir chef d'orchestre et je n'ai jamais fermé la porte à autre chose. J'ai débuté comme assistant d'orchestre à Boston. J'ai fait du piano, de l'alto et de la composition.

Vos compositions ont-elles été jouées?

Oui, mais jamais par un orchestre professionnel.

Écoutez-vous autre chose que de la musique classique?

À la maison, on préfère le silence. On a besoin de silence. On est trois pianistes [sa femme, sa fille de 15 ans et lui]. Chez moi, c'est comme un conservatoire. J'essaie aussi de rester en contact avec mon public, sinon je risque d'être isolé. Le rôle d'un directeur musical est de servir le public, mais, pour le servir, il faut le connaître et savoir ce qu'il écoute.

Est-ce que votre maison principale est à Paris (où étudie sa fille)?

Non, elle est à San Francisco. À Paris, nous avons un pied-à-terre, pas une maison.

À Montréal, vous vivez à l'hôtel St. James (un cinq étoiles situé dans le Vieux-Montréal)?

J'y vivais, mais plus maintenant.

Et dans quel hôtel êtes-vous?

Je préfère ne pas le dire pour préserver mon intimité.

Vous travaillez 14 semaines par année pour l'OSM?

... Oui.

Combien gagne un chef d'orchestre de votre calibre?

(Nagano se rembrunit.)

Je ne le sais pas.

Combien gagnez-vous?

(Nagano se lève, il veut partir. La directrice des relations publiques est dans tous ses états. On se marche sur les pieds dans le débarras.)

Qu'avez-vous accompli de plus important depuis 2006 à Montréal?

(Nagano se rassoit. Il réfléchit, la question lui tient à coeur.)

Le plus important? L'âge moyen des spectateurs qui a baissé. Il se situe autour de 30 ans. Les jeunes viennent si la qualité de l'orchestre est exceptionnelle.

Inviter Fred Pellerin, c'était votre idée?

Oui, une institution doit refléter les racines d'un pays et Fred Pellerin a trouvé une façon de raconter des fables et des contes vieux de plus de 100 ans.

Quel est votre compositeur préféré?

Celui que nous jouons le plus souvent est Jean-Sébastien Bach.

L'entrevue est terminée. Nagano est furieux. Il apostrophe la directrice des relations publiques. «Mais ce n'est pas possible d'avoir des questions comme ça!», lance-t-il en sortant en trombe du débarras.

Le budget annuel de l'OSM est de 28,4 millions; 38% proviennent de subventions gouvernementales

Une journée typique de Nagano

9h15: arrivée au bureau

De 10h à 12h30: répétition avec l'orchestre

Après-midi: réunions (souvent avec l'équipe artistique)

Avant le concert: cocktail avec des donateurs

Soir: concert

Après le concert: Nagano reçoit dans sa loge

De 23h à 1h: souper avec des artistes

Kent Nagano en bref

Kent Nagano est à l'OSM depuis 2006. Son contrat a été renouvelé jusqu'en 2020.

Nombre de semaines de travail par année: 14.

Salaire: tabou. En 2010, La Presse a écrit que Kent Nagano était payé 1 million par année. Le Devoir parlait plutôt de 1,5 million.

Autres activités: Il est le premier chef invité de l'Orchestre symphonique de Göteborg, en Suède. À partir de 2015, il sera aussi directeur musical de l'Opéra de Hambourg.