Pro Musica ouvrait sa 65e saison lundi soir avec une affiche fort originale: Jean-Guihen Queyras dans un programme entièrement pour violoncelle seul. Mais elle avait peut-être oublié le long congé du week-end... Résultat: la Maison symphonique semblait bien grande, avec moins de 800 personnes dans cette salle qui peut en contenir 2000. On avait fermé les galeries, l'auditoire s'était massé vers l'avant et le musicien de 46 ans à l'air de garçon régnait seul avec son violoncelle au milieu de l'immense scène, tel quelque monarque sur son trône.

À la toute dernière rangée, il n'y avait plus de distance. Telles étaient, en effet, la concentration du musicien, celle de l'auditoire et la précision avec laquelle l'acoustique transmettait les plus infimes vibrations du violoncelle, et jusqu'aux accidentels petits grincements.

Né au Québec en 1967, rappelons-le, M. Queyras avait d'abord choisi l'«inévitable»: l'une des six Suites de Bach, en l'occurrence la troisième et plus célèbre. Il avait aussi choisi cet autre «must» du violoncelle seul qu'est la Sonate de Kodaly. Mais il ouvrait son programme avec une rareté: la Suite de l'Espagnol Gaspar Cassado, connu principalement comme violoncelliste à qui on doit l'un des premiers enregistrements du Concerto de Dvorak.

Premier sujet d'étonnement: le violoncelliste livre son programme entier de mémoire - et même les rappels. La Suite en trois courts mouvements de Cassado, sans être un chef-d'oeuvre. mérite une audition. L'écoute avec la partition révèle que l'invité s'en éloigne légèrement ici et là. Mais il en traduit bien les couleurs hispaniques. Le Bach est joué avec toutes les reprises et, comme il se doit, quelques nouvelles nuances au second énoncé. On se rappelle sans doute que M. Queyras avait joué les six Suites en un même programme à Pollack en 2010.

Le sommet du récital fut le Kodaly. Déjà d'une atroce difficulté, la très longue Sonate en trois mouvements fourmille d'effets inhabituels obtenus en modifiant l'accord des deux cordes graves. À la fois le rêve et le cauchemar des violoncellistes, l'oeuvre totalisant une grosse demi-heure reçut une réalisation exacte et envoûtante. Des multiples détails à retenir, un seul suffira: ce début de l'Adagio central, un «pianissimo» que le violoncelliste fit partir pour ainsi dire du silence en le prenant deux fois plus doux. À noter encore: il joua le Kodaly dans son absolue intégralité, ce que ne font pas Starker et quelques autres.

On croyait le violoncelliste épuisé par ce tour de force. Au contraire, il se lança immédiatement dans deux rappels: tout d'abord, la pièce de Dutilleux en hommage au mécène Paul Sacher, puis un autre Bach, le Prélude de la première Suite.

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JEAN-GUIHEN QUEYRAS, violoncelliste. Lundi soir, Maison symphonique, Place des Arts. Présentation: Société Pro Musica.

Programme pour violoncelle seul: Suite (1926) - Cassado; Suite no 3, en do majeur, BWV 1009 (c. 1720) - J. S. Bach; Sonate op. 8 (1915) - Kodaly