Au milieu de tintamarres de toutes sortes --FrancoFolies faisant trembler le sol en face de la Place des Arts, manifestants et policiers s'affrontant à grands cris, échos du Grand Prix de la course-automobile-- , au milieu de ce déluge de décibels, dis-je, quelque 2 000 personnes ont trouvé refuge et paix auprès de l'Orchestre Métropolitain jouant Brahms à la Maison symphonique où, Dieu soit loué, la promesse du «à l'épreuve du son» est parfaitement tenue.

Dans la salle comble, pas le moindre signe du désordre qui règne dehors. Mieux encore: pas de toux explosives, pas le moindre applaudissement entre les mouvements. Rien. Le silence total. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que je le remarque: le public de l'OM écoute mieux que le public de l'OSM. Ce public simple et sans prétention vient pour la musique et écoute avec toutes ses oreilles et tout son coeur. J'ai même dû changer de place, une dame devant moi m'indiquant qu'elle était dérangée par... le bruit de ma plume sur le papier!

Ce public, c'est Yannick Nézet-Séguin qui l'a formé, comme il a formé l'OM tel qu'il est aujourd'hui. Je dirais même que c'est son nom, plus que celui de Brahms, qui a valu à l'OM cette salle comble... un samedi soir où il se passait tant de choses à Montréal et où le concert n'affichait pas de soliste.

Comme couronnement de la 31e saison de l'OM, le jeune chef nous revient, après trois mois d'absence, et malgré son habituel agenda d'engagements à l'étranger, pour ce «Week-end Brahms» de deux concerts comportant les quatre Symphonies et le Concerto pour violon.

Le premier, hier soir, groupant les deux premières Symphonies, était donné à la mémoire de l'ex-ministre Jean-Pierre Goyer, décédé en 2011. Alors qu'il était président du conseil d'administration de l'OM, M. Goyer fut l'«instrument» qui élimina Joseph Rescigno pour le remplacer par Nézet-Séguin. On avait crié au scandale, mais on s'en est vite rendu compte: M. Goyer avait vu juste. Quelques témoins, l'un des musiciens actuels de l'OM n'étant pas le moindre, ont encore en mémoire cette page de notre histoire musicale.

Et ce premier concert Brahms, demandera-t-on? Magnifique. L'OM, avec 70 musiciens, ne possède évidemment pas la plénitude sonore de l'OSM, avec 95. À l'OM, il y a 44 cordes; à l'OSM, on en compte 60. C'est presque le nombre des effectifs complets du second orchestre. Bien qu'elles soient de premier plan, les cordes de l'OM restent quelque peu insuffisantes dans les grandes envolées caractérisques de Brahms. Au surplus, la nouvelle manière dont Nézet-Séguin les dispose --violons séparés de chaque côté du podium, contrebasses au fond-- isole les groupes au lieu de les unir en un tout compact. Nagano peut se permettre ce luxe à l'OSM. Dommage pour Nézet-Séguin, car c'est lui qui a le plus à dire dans Brahms --son compositeur préféré, vient-il rappeler au micro.

En fait, on s'étonne qu'il soit parvenu à une telle concentration et qu'il ait obtenu une telle qualité de jeu en quelques heures seulement de préparation. De chaque partition, il n'oublie aucune nuance: j'ai le texte sous les yeux. Dans chaque cas, il confère une nouvelle éloquence au discours en liant subtilement les deux derniers mouvements. Même surprise dans l'inhabituelle turbulence de la conclusion «più allegro» de la première Symphonie. Le caractère plus léger de la deuxième Symphonie est souligné par les bois, excellents à l'OM, comme le sont les cuivres et les timbales.

Le jeune chef fait lever les premiers-pupitres au milieu d'une ovation qui est aussi bruyante que l'écoute avait été silencieuse.

Dimanche après-midi, 16h: Symphonies nos 3 et 4 et Concerto pour violon, avec en soliste Benjamin Beilman, premier prix au Concours international de Montréal de 2010.

ORCHESTRE MÉTROPOLITAIN. Chef d'orchestre: Yannick Nézet-Séguin. Samedi soir, Maison symphonique, Place des Arts.

Programme consacré à Johannes Brahms:

Symphonie no 1, en do mineur, op. 68 (1876)

Symphonie no 2, en ré majeur, op. 73 (1877)