Il restera «the king of the blues» parce que, pendant presque cinquante ans, il a fait connaître à travers le monde un genre qu'il dominait autant avec sa guitare qu'avec sa voix. Le grand B.B. King, les Montréalais l'ont constaté hier avec une certaine tristesse, n'a plus ni l'une ni l'autre et la prestation qu'il a offerte devant une salle comble à Wilfrid-Pelletier aura été son avant-dernière à Montréal, une ville qui l'a si souvent applaudi.

Retardé pendant 70 minutes à cause des pluies diluviennes de l'après-midi qui ont causé débordements et ruptures de canalisations - le personnel de la Place des Arts a réalisé «un petit miracle», a dit à la foule André Ménard, le directeur artistique  du Festival de jazz -, le spectacle a commencé comme toujours avec le B.B. King Orchestra, un octuor all-black de belle tenue. Puis «le roi du blues» est arrivé, comme toujours, avec ses trois gardes du corps, en lançant à la foule des mediators, des «picks», à son effigie.

Vêtu d'un veston argent comme sa chevelure, le guitariste de 86 ans s'est assis et un assistant lui a amené Lucille, comme il appelle sa guitare - une Gibson noire au long «cou» - la plus illustre guitare du monde. Et là, avec la présentation des musiciens, a commencé ce long baratin qui a tenu lieu de spectacle devant une foule polie et respectueuse.

En frais de titres, il s'agissait mardi du même spectacle que celui enregistré l'an dernier à Londres et qui a donné le CD B.B. King Live at the Royal Albert Hall 2011 auquel avaient participé le super-guitariste Derek Trucks, Susan Tedeshi, Ronnie Wood, Mick Hucknall de Simply Red et Slash de Guns N' Roses. Hier, B.B. King était seul, trop seul...

Il a chanté I Need You So sans toucher à sa guitare et en toussant. B.B. King le screamer peut encore crier juste mais les passages plus doux lui sont difficiles. Bref échange avec son guitariste, qui travaille plus fort que jamais pour «tapisser». Une When Love Comes to Town écourtée nous a fait entendre les riffs minimalistes d'un  guitariste pour qui la qualité des notes a toujours primé sur la quantité. Key to the Highway... Si le phrasé reste reconnaissable entre tous, il n'a plus la clarté d'antan.

Attaque plus nette pour The Thrill is Gone, la pièce qui l'a fait connaître mais la voix aussi est partie, comme la «signature» du «call and response» où B.B. King orchestrait de longs échanges entre sa guitare et sa voix: il n'a jamais chanté une ligne en même temps qu'il grattait sa guitare. Autre raison purement physique à ce changement: B.B. King joue assis et doit approcher le micro à lui avec sa main gauche pour chanter, ce qui rend impossible les échanges où la guitare enchaînait à la voix.

L'interminable soliloque de You are my Sunshine - sur la beauté des femmes - a jeté un certain malaise dans la foule qui, malgré sa candeur, s'est rendu compte que B.B. King parle désormais plus qu'il ne chante. Et qu'il ne joue presque plus de guitare. La foule, encore, a ri à la longue présentation de See that my Grave is Kept Clean de Blind Lemon Jefferson, une des idoles de jeunesse de Riley King. Assure-toi que ma tombe reste propre...

Rien qui presse, comme dirait l'autre mais il est à souhaiter que quelqu'un de son entourage convainque le roi du blues de se retirer en son palais pour une retraite bien méritée.

Entre-temps B.B. King donne mercredi à la Place des Arts asséchée son dernier spectacle à Montréal. Vive le roi!