Un cinquième album pour Vampire Weekend, où la vulnérabilité et l’affirmation se rencontrent, tant sur le plan des textes que des mélodies, complexes et accrocheuses.

« Fuck the world. » Le nouvel album de Vampire Weekend s’amorce sur ces mots. Ice Cream Piano, la pièce d’ouverture du disque, commence avec un guitare-piano-voix fuzzy qui s’électrifie à mi-chemin, laissant place à une explosion instrumentale. La formation new-yorkaise est de retour après cinq ans et dès le début de l’écoute de ce nouveau disque, on renoue avec son rock pressant et galvanisant. Sur le refrain, les paroles « I scream piano » nous ramènent au titre, un jeu de mots qui adoucit le propos de cette chanson aux paroles virulentes. « I scream piano », chante Ezra Koenig, comme pour témoigner d’un inconfort face au monde où il navigue mieux grâce à la musique, qu’il observe et accepte mieux grâce à ses chansons.

La troupe de Kœnig fait ce qu’elle fait le mieux ici. Elle propose une esthétique mélancolique franche, dépeinte par une instrumentation complexe, mélodique. Les textes sont aussi accrocheurs qu’ils sont intimes, une combinaison souvent difficile à atteindre. L’introspection rejoint l’observation, tandis qu’un désespoir face au monde transpire nettement dans les mots du chanteur.

Mais plutôt qu’une franche critique, on constate plutôt une acceptation de ce que c’est que d’exister dans ce monde et une position plus mûre que jamais. Alors qu’il chantait en 2010 : « Every dollar counts / And every morning hurts / We mostly work to live/Until we live to work », sur la magnifique et accusatrice Run du populaire disque Contra, le meneur intime plutôt : « There’s no one left to criticize / I hope you let it go / The enemy’s invicible / I hope you let it go », sur l’étonnante ballade Hope, dernière chanson d’Only God Was Above Us.

Le simple paru un peu avant la sortie du disque, Capricorn, est un moment clé de l’album. Un morceau où l’on sent toute la pesanteur du refrain, accentué par les lourds synthétiseurs, tandis que les couplets adoucissent ponctuellement l’ensemble. Comme pour vraiment apaiser l’écoute ensuite, la conclusion de la pièce est tout acoustique. Cette structure est représentative de l’album entier, où se côtoient la morosité et la lueur qui s’y oppose obstinément.

Sur Connect, plus tard, le rythme effréné de la batterie prend la forme d’un solo de piano après les premières minutes, faisant de la fin de la chanson un tout autre objet. Vampire Weekend se métamorphose au fil de ses chansons, ses tonalités devenant parfois théâtrales et dramatiques, d’autres fois fougueuses, ou alors d’une grâce enveloppante.

Mûr et élégant, sans manquer de la poigne du rock alternatif signature du groupe, mais d’une complexité mélodique imposante, ce cinquième disque de Vampire Weekend témoigne d’une nouvelle facette de la formation tout en satisfaisant toutes les attentes que l’on a à son sujet.

Extrait de Capricorn

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Only God Was Above Us

Rock alternatif

Only God Was Above Us

Vampire Weekend

Columbia Records

8/10