Qui dit rock québécois ne pense pas forcément au début des années 1980. Cette époque aujourd’hui lointaine a surtout la réputation d’avoir été un grand désert musical, dont ne subsistent que quelques grands noms comme Pied de Poule, Belgazou ou Soupir, le groupe de Normand Brathwaite.

En réalité, ces quelques vedettes n’étaient que la pointe de l’iceberg. Sous la surface, des dizaines de petits groupes alternatifs grouillaient dans l’ombre, galvanisés par les nouveaux sons de l’époque. Le problème, c’est que la plupart sont restés confinés à la marge, avant de carrément tomber dans les oubliettes.

C’est pour rétablir cette injustice que l’étiquette Trésor National, spécialisée en réédition de pépites locales, lance ces jours-ci le deuxième volume de la compilation Nome Noma, consacrée au « post-punk », à la « new wave » et au « synth pop » québécois des années 1979 à 1983.

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Sébastien Desrosiers, codirecteur de Trésor National

Document ethnographique

Une formidable idée, disons-le. Car cette collection d’une dizaine de chansons nous replonge direct dans la contre-culture de cette période, avec son énergie, son désir de modernité... et sa naïveté. Le temps d’un disque vinyle, on se retrouve ainsi au bar le Glace, au Station 10 ou au Shoeclack, pour entendre des formations aujourd’hui disparues, comme C. C. Orchestra, Modular ou Johnny Pop.

« C’est vraiment un snapshot de cette scène alternative », résume Sébastien Desrosiers, codirecteur de Trésor National, pas peu fier du résultat.

Nome Noma est donc un document ethnographique. Mais pas que. C’est aussi et surtout une sacrée bonne dose de vitalité artistique.

Les années ayant suivi le référendum de 1980 ont souvent été décrites comme une période de déprime musicale. Ce n’est pas du tout ce qui ressort dans cette compilation de rock moderne, que ne renieraient pas les hipsters d’aujourd’hui.

Du minimal synth de Nudimension au post-punk « crinqué » de Terapi, en passant par la new wave intello de Wwindo (avec de futurs membres de Bündock) ou de Men Without Hats (le seul groupe connu de la compilation), le niveau est étonnamment élevé, pour ne pas dire relevé.

On chante en français, on chante en anglais, on s’amuse avec les nouveaux sons synthétiques et l’univers informatique émergent.

« Il y avait des trucs très originaux, opine Sébastien Desrosiers. C’était une scène bouillonnante d’énergie et d’inventivité qu’on commence juste à redécouvrir. C’était éclectique. Ça sortait du moule. Le Québec se cherchait un son. Eux, ils ont essayé. »

Beaucoup d’inédits

Trois ans de travail et de recherches archivistiques ont été nécessaires pour mener ce projet à terme. Contrairement au premier Nome Noma, paru en 2020, ce deuxième volume propose beaucoup d’inédits sortis de derrière les fagots, ce qui lui donne une valeur ajoutée. La compilation, tirée à 1000 exemplaires, n’est offerte qu’en vinyle.

  • Le groupe Androïdes

    PHOTO FOURNIE PAR TRÉSOR NATIONAL

    Le groupe Androïdes

  • Le groupe Blueprints

    PHOTO FOURNIE PAR TRÉSOR NATIONAL

    Le groupe Blueprints

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Sébastien Desrosiers espère que ce projet remettra les pendules à l’heure en ce qui concerne le rock alternatif québécois de ces années charnières. Non, il n’y avait pas que Belgazou et Pied de Poule. Il suffit de gratter la surface pour qu’un autre monde se révèle, brillant et stimulant.

« Les gens ont soif de redécouvertes des années 1980, conclut l’historien du rock. Quand les jeunes vont entendre ça, ils vont se dire : “Quoi ? ! Il y avait une scène aussi vivante au Québec ? !” Pour la plupart [de ces groupes], ça n’a pas pris une ride... »

Nome Noma vol. 2 
(Québec post-punk et new wave 1979-1983)

New wave

Nome Noma vol. 2
(Québec post-punk et new wave 1979-1983)

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