Diana Krall a offert mardi le premier des deux concerts qu’elle présente à Montréal cette semaine. Ce fut de haute tenue, parfois swinguant, parfois d’un dépouillement touchant, mais surtout poli.

Ce n’est jamais banal pour Diana Krall de jouer au Festival international de jazz de Montréal : c’est ici que sa carrière a pris son envol au milieu des années 1990. La superstar du jazz ne l’a jamais oublié et elle a répété plus d’une fois, mardi, à quel point elle était heureuse d’être de retour sur scène dans l’évènement qu’elle préfère et, en plus, à la salle Wilfrid-Pelletier, où elle avait entendu Herbie Hancock la veille.

Le concert de mardi constituait le premier d’un intense été au cours duquel la chanteuse et pianiste canadienne fera le tour des États-Unis. Une tournée qui suit de loin son album This Dream of You, paru en 2020, mais qui n’a pas été mis en valeur durant sa prestation d’environ deux heures au cours de laquelle elle a pigé un peu partout dans sa discographie, en quartette avec le guitariste Anthony Wilson, le batteur Jeff Hamilton et le contrebassiste John Clayton Junior.

Diana Krall est arrivée sur scène dans un vêtement à l’image de son statut dans l’aristocratie du jazz : une robe lamée or, aux manches si amples qu’elle donnait l’impression de porter une cape. Elle a pris place à son piano, sur lequel se trouvaient comme toujours des feuilles de musique qu’elle ne regarde pourtant jamais et a amorcé Where or When, tiré de son album Quiet Nights, morceau avec lequel elle ouvrait aussi ses concerts en Europe.

Elle a profité de l’absence des orchestrations qu’on entend sur la version gravée il y a une dizaine d’années pour occuper l’espace avec sa voix, dont elle a accentué le côté voilé, parfois jusqu’à l’étouffer. Son chant a aussi donné à All or Nothing at All une teinte plus dramatique et plus sombre que d’ordinaire.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Diana Krall à la salle Wilfrid-Pelletier mardi

L’élan était donné et au bout de quelques morceaux (Isn’t This a Lovely Day, Devil May Care, You Call it Madness…), on avait une idée de ce qui allait dominer le concert : des versions toniques de pièces gravées sur disque avec des enrobages plus moelleux où Diana Krall laissait beaucoup d’espace à ses accompagnateurs, mais donnait aussi la mesure de la pianiste qu’elle est.

Son jeu expressif, tantôt plein de swing, tantôt magnifiquement feutré, soucieux d’être mélodieux, mais ne refusant pas les dissonances élégantes, fut captivant du début à la fin.

On a aussi rapidement eu une idée de ce qui allait parfois clocher. Sa voix n’était pas toujours au mieux, s’éteignant parfois étonnamment dans les passages les plus suaves. Dans les moments les plus énergiques, elle était toutefois puissamment sensuelle et parfois empreinte de malice. Et tout au long du concert, la communication avec ses musiciens a été fluide, bien que le jeu du contrebassiste ait ponctuellement manqué de clarté.

Ce qui n’allait pas du tout, au cours de cette soirée, n’avait rien à voir avec ce qui se passait sur scène. De tous les concerts vus et entendus depuis des mois, celui de Diana Krall a été le plus pénible en raison de l’impolitesse d’une partie des spectateurs. Plusieurs d’entre eux ont filmé ou photographié le concert avec le flash et tout. Près de La Presse, une spectatrice a eu son téléphone en main tout le long de la soirée alors que d’autres consultaient le leur sans gêne, sans égard pour les artistes ni les gens assis près d’eux. Et le public de Diana Krall n’a pas l’excuse d’être jeune et de manquer d’expérience…

Cet irritant a assurément teinté l’expérience de bien des admirateurs de la jazzwoman, mais n’a pas empêché de goûter les moments d’émotions. Le plus touchant sur une interprétation fragile, imparfaite, mais absolument touchante de Famous Blue Raincoat de Leonard Cohen, qui avait lui-même offert une série de concerts fabuleux sur la même scène il y a environ 15 ans.

Diana Krall a conclu ce premier concert de deux (l’autre a lieu ce mercredi au même endroit) avec East of the Sun (and West of the Moon), une interprétation elle aussi loin du jazz en pantoufles qu’elle offre souvent sur disque. Ce fut vif et enlevant. Il reste que, malgré la haute tenue de la chanteuse et de ses musiciens, on est ressorti de la salle Wilfrid-Pelletier avec le sentiment d’avoir assisté à un concert poli, certes élégant et gracieux, mais aussi un peu convenu.