Le Buddy Guy Damn Right Farewell Tour passait par Montréal, vendredi soir, et le vénérable guitariste de bientôt 87 ans n’a pas raté sa sortie.

Damn Right, I’ve Got The Blues ! C’est sur les notes tonitruantes de cette chanson phare de sa discographie des années 1990 que le guitariste a fait rugir sa Fender Stratocaster devant les 3500 spectateurs présents pour son arrivederci.

La salle Wilfrid-Pelletier était pleine à ras bord. En fond de scène, une toile avec l’image du South Side de Chicago, on apercevait l’enseigne du Buddy Guy’s Legend, du Theresa’s Lounge, avec son nom en grosses lettres au look de néon.

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Derrière le bluesman, l’enseigne du Buddy Guy’s Legend, du Theresa’s Lounge, et son nom en grosses lettres au look de néon

Le bluesman était accompagné par quatre musiciens, dont le brillant guitariste Ric Hall qui nous a bien divertis de chaque côté de la scène. Le grand George « Buddy » Guy de Lettsworth, en Louisiane, salopette par-dessus son habituelle chemise à pois, est revenu aux sources.

« Hello, Montreal ! I love you ! Est-ce que je joue trop fort ? », s’exclame celui qui a été élevé sur une plantation de coton – gamin, il touchait 2,50 $ par lot de 100 livres de coton récolté.

Puis il enchaîne avec I’m Your Hoochie Coochie Man, chanson de Willie Dixon teintée d’érotisme et de sous-entendus salaces. Jimmy Smith, Chuck Berry et Motörhead en ont fait des versions intéressantes, mais jamais autant dans le mille que quand Buddy Guy vous la chante avec les mimiques de circonstance, le groupe martelant au sol un beat écrasant.

Plaisir et anticipation

Ce vendredi soir, pas un spectateur présent ne boude son plaisir, un vrai show stopper.

I got a black cat bone
I got a mojo too
I got John the Conqueror
I’m gonna mess with you
I’m gonna make you girls
Lead me by my hand
Then the world will know
I’m the hoochie coochie man.

Suit She’s Nineteen Years Old de Muddy Waters, lors de laquelle on peut voir le guitariste tenir les notes sur son manche avec la main gauche, tandis que la droite est tendue le long du corps. Ça siffle ! Puis le bluesman enchaîne avec I Just Wanna Make Love To You de Willie Dixon, autre chanson de chambre à coucher.

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Buddy Guy, vêtu d’une salopette et de son habituelle chemise à pois

« I came to Montreal to fuck with you. » C’est dit, papi !

Puis il entame Chicken Heads de Bobby Rush, How Blue Can You Get de Johnny Moore – popularisée par B. B. King. Plus loin, c’est l’irrésistible Boom Boom de John Lee Hooker qui embarque le public. La corrosive Voodoo Chile de Jimi Hendrix fait rugir son instrument avant qu’il ne fasse baisser la température avec Feels Like Rain, une ballade de John Hiatt reprise par le bluesman en 1993.

Étonnant choix que ce Grits and Groceries de Little Milton. C’est un soul classique et c’est bon. Buddy Guy badine avec les premières mesures de Sunshine of Your Love de Cream, puis s’arrête. Étire l’élastique du plaisir, joue sur l’anticipation et lance Take Me To The River d’Al Green.

Et on va de surprise en surprise, pendant 75 minutes. Étonnant, tout de même, qu’un revivaliste coloré de son calibre n’ait pas joué de chansons tirées de The Blues Don’t Lie, son plus récent disque.

Ce sont sans doute ses plus belles années chez Chess qui traduisent le mieux l’esprit de ses adieux au public montréalais. Ce public qui l’a acclamé de l’Esquire Show Bar au Rising Sun, du Forum de Montréal, avec son duel de guitares épique à la scène centrale, au Festival de jazz. Et on lui doit tant d’autres spectacles chez nous. On lui dit merci !

Première partie en rouleau compresseur

En lever de rideau, un public visiblement gagné d’avance a offert un accueil bien senti à Christone Kingfish Ingram et ses trois complices. Le jeune guitariste du Mississippi poursuit son travail de rouleau compresseur amorcé la veille, les grimaces pendant les solos, mais avec un souci d’offrir des chansons toujours bien racontées. Le bonhomme possède une voix bien ronde et chaude. Du rock, du blues musclé, un ou deux boogies incendiaires couchés sur piano en déroute, ça chauffe.

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Christone Kingfish Ingram lors de son concert, vendredi

Sur un groove jazzy-funk lourd, la foule s’est mise à taper des mains, il a déposé sa guitare sur son moniteur devant lui, a saisi son téléphone, a filmé la foule en liesse et a quitté la scène, et ses trois musiciens ont fini sans lui.