Le vénérable Englishman et icône du rock de 74 ans effectue un retour au Festival international de jazz de Montréal en compagnie de sa muse Alison Krauss. Bluegrass, country-folk et rock sur la pédale douce, la soirée s’annonce divine. Nous avons bien tenté de lui parler ; pas grave, on vous jase de lui pareil en avant-goût de la 43édition. Noblesse oblige.

Ne pas s’engluer dans le passé. Vaste programme.

« Les applaudissements massifs ne satisfont plus mon besoin d’être stimulé », confiait-il au LA Times en 2018.

Robert Plant, l’ex-chanteur de Led Zeppelin, a pondu 17 albums depuis la fin des activités du mammouthesque band rock.

Assis devant Jools Holland en 2020, il confie à l’animateur britannique et ancien membre de Squeeze : « Si tu crées Whole Lotta Love, combien de chansons identiques as-tu besoin ? Des fois, nous étions brillants, d’autres fois, moins. Et c’est ainsi que ça devait se passer. »

Questionné sur Greta Van Fleet, les émulateurs effrontés de son ancien groupe, Plant confiait au journaliste Scott Alderman en 2018 : « Ils sont Led Zeppelin 1. Leur chanteur est beau et je le hais ! En plus, ajoute Plant, il a emprunté la voix de quelqu’un que je connais très bien… »

Révélé dans toute sa lascivité au grand écran avec le film-concert The Song Remains The Same (1976) – vu 35 fois –, la rock star ultime, la crinière, la voix qui pitche au plafond, tout ça est lointain. Sauf que, histoire de prouver que le rock reste avant tout une pulsion animale, Robert Plant a réalisé un coup de génie en réussissant l’un des plus beaux croisements qui soient.

PHOTO PIERRE MCCANN, ARCHIVES LA PRESSE

Le groupe Led Zeppelin à Montréal, le 13 avril 1970. Sur la photo : Robert Plant, John Paul Jones et Jimmy Page.

Ses textes mystiques, philosophiques et spirituels avec Led Zep, influencés par entre autres J.R.R. Tolkien qui a inspiré les chansons Ramble On, No Quarter et Over The Hills and Far Away, les références au Seigneur des anneaux étaient évidentes ; Plant se colle désormais au folklore américain et à ses racines.

Dans tout le fatras de la préparation des retrouvailles des rockeurs au O2 Arena en 2007, Plant avait déjà en tête le Midwest américain, l’ébauche d’un tandem avec la musicienne americana Alison Krauss est bien réelle : violons, guitares sèches, mandolines et contrebasses…

PHOTO FOURNIE PAR LE FESTIVAL DE JAZZ

Robert Plant et Alison Krauss

Raising Sand, réalisé par T-Bone Burnett, remporte le Grammy de l’album de l’année dans sa catégorie. Ça conforte son homme dans ses choix ; s’éloigner du dirigeable de plomb était la bonne décision. Mel Tillis, Townes Van Zandt, Doc Watson et les Everly Brothers sont revisités sous la houlette du chanteur. Rebelote sur Raising the Roof (2021).

Un mélomane averti

En tournée de par le monde, Plant se promène avec son sac en bandoulière, avide de magasins de disques où il farfouille dans les 33 tours. Peut-être espère-t-il dans sa quête trouver un Jesse Roden ou un Frankie Miller, deux de ses chanteurs brit préférés ?

À moins qu’il ne repère les bootlegs Orange Crush (1972), Earl’s Court (1975) ou The Destroyer, 4 vinyles de contrebande de qualité 7/10 relatant la tournée 1977, pour l’humble scribe qui les a tous possédés, ces témoignages de concerts furent des objets convoités à l’époque. Même le reptilien gérant et ancien lutteur Peter Grant, si protecteur de la marque, n’y a pu rien contre ce marché noir du live.

Pas une occasion n’est manquée de visiter et de repasser sur les traces de ses héros formateurs dans la moiteur du Mississippi, Sonny Boy Williamson, Bukka White, Skip James, les lieux de sépulture des bluesmen de son enfance.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Robert Plant reçoit le Spirit Award des mains d’Alain Simard en 2011.

En 2011, avec Band of Joy et le super guitariste Buddy Miller, il laisse une forte impression auprès d’André Ménard et d’Alain Simard, les cofondateurs du Festival de jazz. Lors d’une petite cérémonie organisée dans les coulisses de la salle Wilfrid-Pelletier, Simard lui remet le Spirit Award pour son rayonnement musical en périphérie du jazz. Bob Dylan l’a déjà reçu. La Presse est là. Le charismatique frontman accepte la statuette avec des remerciements sincères.

« Je suis allé le chercher à sa loge pour l’accompagner jusque dans le green room, raconte André. Je m’attendais à être déçu. Il ouvre la porte et m’accueille avec son plus beau sourire du haut de ses six pieds et deux. Affable et charmant, il a répondu avec subtilité à la question d’Alain de Repentigny (pilier du journalisme musical, aujourd’hui retraité de La Presse) sur une possible réunion des anciens : ‟There is no point competing with your youth” ».

Entre les Sensational Space Shifters, Band of Joy et Strange Sensation formé en 2022, Plant s’entoure d’érudits. Le duo Plant-Alison est accompagné de cinq musiciens.

When The Levee Breaks, Rock’n Roll et The Battle of Evermore, si magnifiquement chanté par feu Sandy Denny, sont trois sélections de Led Zeppelin 4 qui sont jouées dans toutes les villes, en plus de Please Read The Letter, propice aux harmonies des voix.

André Ménard, qui a vu le spectacle à Saratoga l’an passé, est extatique : « La vibe est extraordinaire et JD Mc Pherson [qui fait sa première partie] est invité à se joindre au groupe. »

Entre le Delta et la Louisiane, les musiques du Maghreb et le groupe Tinariwen, son amour pour Ali Farka Touré et les propagateurs de musiques de racines américaines, Robert Plant a toujours su être en mouvement dans les virages. Son plus grand mérite a été de se remettre en question avec lucidité et objectivité au bon moment.

Consultez la page du spectacle

Le 7 juillet, 19 h 30, salle Wilfrid-Pelletier, Place des Arts

Dans une version antérieure de ce texte, le cofondateur du FIJM, Alain Simard, avait été rebaptisé André Simard. Nos excuses.